La Ferrari de Kimi Räikkönen, le 2 mars. | JOSÉ JORDAN / AFP

De nouvelles monoplaces, avec leurs ailerons affûtés, leurs pneus élargis et leurs moteurs gonflés. Et des pilotes qui ont montré leurs muscles lors des essais qui ont repris sur le circuit Catalunya de Barcelone. Quatre journées pour parfaire les derniers réglages avant le Grand Prix inaugural d’Australie, à Melbourne, le 26 mars. Contraints de suivre le mouvement pour s’adapter aux nouveaux bolides, plus rapides dans les courbes, mais beaucoup plus physiques, les pilotes, habitués à encaisser autour de 5 g (symbole de l’intensité ou de l’accélération en mécanique), doivent désormais pouvoir amortir 6,5 g, voire 7 g en phase de décélération.

L’adaptation – prendre 4 kg de muscles pendant la trêve hivernale – s’est faite dans la douleur. « Depuis le 1er décembre, il n’y a pas un matin où je me réveille sans courbatures », atteste le Franco-Suisse Romain Grosjean, à Montmelo, où il démarre sa deuxième saison pour l’écurie américaine Haas. Ce qui ne l’a pas empêché de s’accorder quelques loisirs, comme sa participation au Trophée Andros, la course sur glace, couronnée le 17 décembre à l’Alpe-d’Huez par sa victoire en catégorie Elite Super Pro, ou encore la Transjuracienne, raid de 50 km de ski de fond auquel il participait le 12 février. Un bon échauffement, complété par un régime approprié, supervisé par un laboratoire états-unien.

« Les deux mois les plus durs de toute ma carrière »

Même épreuve pour l’autre pilote français du championnat du monde de F1, Esteban Ocon, 19 ans, qui commence pour Force India sa première saison complète. « Je viens de vivre les deux mois les plus durs de toute ma carrière », souffle le garçon de 1,86 mètre. « Je n’ai pu commencer l’entraînement qu’après les fêtes. Comme, en plus, mon organisme assimile tout très vite, j’ai dû suivre un régime hyperprotéiné, manger toutes les deux heures et ingérer plusieurs steaks à chaque repas. » Tout cela pour gagner 5 kg. « Sincèrement, cela a été très très dur, mais je n’ai jamais été aussi prêt physiquement de ma vie », confiait-il au Monde le 21 février : « J’ai hâte ! »

Un enthousiasme récompensé dès la première journée d’essais, le 27 février, Esteban Ocon arrivant à la troisième place, derrière la Mercedes de Lewis Hamilton et la Ferrari de Kimi Räikkönen, et devant le Red Bull de Max Verstappen, l’ancien rival qu’il dominait déjà en formule 3.

« Ultrapro, Fernando est très bien »

« Il y a ceux qui choisissent de poster des photos d’eux en train de souffrir. Et ceux qui font dans la discrétion », confie au Monde Romain Grosjean. En tête de cette seconde catégorie, Fernando Alonso. « Ultrapro, Fernando est très bien. Il n’a jamais autant bossé sa physio » ni parcouru autant de kilomètres à vélo, confirme Eric Boullier, directeur de course chez McLaren. Idem pour son coéquipier, le Belge Stoffel Vandoorne, qui a enchaîné pas moins de quatre camps d’entraînement.

Résultat, l’Espagnol est apparu affûté physiquement à l’issue des premiers essais. Mais triste et déçu. En cause, deux moteurs Honda cassés en vingt-quatre heures, qui l’ont privé des pointes de vitesse attendues. « Vous avez travaillé pendant trois mois sur votre condition physique et dans le simulateur. Puis l’espace d’un tour de chauffe vous tombez en panne et perdez un jour. » Même si les monoplaces orange ont pu les deux jours suivants tourner plus régulièrement, cela fait réfléchir, surtout à 35 ans.

Autre gabarit aux trapèzes puissants, Valtteri Bottas, ex-Williams passé chez le leader Mercedes. Lui aussi a visiblement manié la fonte avec assiduité depuis décembre. Même si la vidéo postée sur YouTube, présentant le « Bottas Burger » laisse circonspect quant à son régime alimentaire…

Valtteri Bottas shows us the 'Bottas Burger'
Durée : 01:35

Après une 4e place en 2014, une 5e l’année suivante et une 8e en 2016, le pilote finlandais doit inverser la courbe. Discret mais néanmoins déterminé, il estime calmement « pouvoir battre Lewis Hamilton », son coéquipier, grand favori du championnat. Chantre de « l’énergie positive » qui fait la « une » du magazine Rolling Stone de mars, le Britannique, qui sait se mettre en scène, se distingue depuis le début de l’année par ses analyses à contre-courant.

En premier lieu sur le look des nouvelles monoplaces. « Plus sexy », pour Romain Grosjean ; plus « belles », pour Fernando Alonso ; plus « agressives », pour Esteban Ocon ; mais « ressemblant à un bateau », selon Lewis.

Ensuite sur leurs capacités. Plus longues, plus larges, plus lourdes, moins contraintes par le poids, elles sont censées apporter plus de plaisir de conduite aux pilotes, qui se sentaient de plus en plus asservis par les données électroniques. Objectif rempli, selon Esteban Ocon ou Romain Grosjean, qui estime que « les pilotes ont été entendus ». Mais Lewis Hamilton juge, lui, la situation « pire que l’année précédente » et les dépassements rendus compliqués par des turbulences inhérentes à l’aérodynamisme exacerbé des voitures.

Même son de cloche dissonant de la part de Fernando Alonso. Pour lui, les contraintes de pilotage sont plus importantes aujourd’hui… contrairement à ce qui avait été annoncé par les écuries et la Fédération internationale de l’automobile (FIA), qui a entériné cette évolution technologique – une « révolution », aux dires du jeune retraité et dernier champion Nico Rosberg.

« De la sueur et des larmes ! »

Pour quelle finalité ? Améliorer le spectacle pour reconquérir le public. Romain Grosjean a son idée. « De la sueur et des larmes ! L’an dernier, le championnat était physiquement trop facile. Aujourd’hui, il est plus athlétique, plus physique. C’est cela que veulent les gens. Voir les pilotes sortir de leur baquet en nage, exténués… Mais heureux ! » Une explication largement partagée dans les coulisses du circuit de Montmelo, d’Eric Boullier à Cyril Abiteboul, directeur de Renault Sport.

La saison à venir ne manquera en tout cas pas de piment : Daniel Ricciardo (Ferrari) rêve d’en découdre avec Lewis Hamilton ; Fernando Alonso, toujours suivi de son bruyant et fidèle fan-club, pourrait se retrouver pneu à pneu avec Romain Grosjean. Et de penser à la relève, avec les mordants et souriants Esteban Ocon et Max Verstappen.