« Le Golem », Gérard Garouste, 2011. | Gérard Garouste, collection de l'artiste/Adagp Paris 2017

Pendant la campagne présidentielle américaine, des détracteurs de Donald Trump ont comparé le milliardaire à un golem. Cet être d’argile sans parole ni libre arbitre, dont on trouve des traces dans la Bible ou le Talmud, aurait été créé par Rabbi Loew au XVIe siècle, à Prague, où il reposerait encore dans le grenier de la synagogue Vieille-Nouvelle. L’intrusion du golem dans un contexte d’actualité dit la persistance de cette figure légendaire, à laquelle le Musée d’art et d’histoire du judaïsme à Paris consacre une exposition.

« L’histoire visuelle du golem est assez tardive », explique la commissaire Ada Ackerman. La première représentation connue est celle de Mikolas Ales, en 1899. Puis, en 1916, les illustrations d’Hugo Steiner-Prag donnent vie à Der Golem, le roman de Gustav Meyrink (1868-1932). « Mais, poursuit Ada Ackerman, il était logique que ce soit le cinéma – dont le miracle original est d’animer l’inanimé – qui lui offre ses plus spectaculaires représentations. » En 1920, Paul Wegener réalise ainsi Der Golem, que le sculpteur Rudolf Belling, chargé de sa conception, dote d’une coiffure rappelant celles de la statuaire égyptienne. C’est d’ailleurs ainsi affublé qu’un golem déjanté apparaît en 2006 dans un épisode des Simpson.

Héros de film et auxiliaire de ménage

Rien qu’en 2017, on attend le film du cinéaste allemand Dominik Graf, Golem : The Return, ainsi que Golem, un jeu développé pour PlayStation VR… Dans le catalogue de l’exposition parisienne, l’historienne de l’art Emily D. Bilski écrit : « L’acte de création, qui est au cœur de la légende, constitue une puissante métaphore des combats des plasticiens pour donner forme et vie à une matière inanimée. » D’où ses représentations chez Gérard Garouste ou Niki de Saint Phalle qui en fait un monstre joyeux, avec son gigantesque Golem créé en 1971 pour le parc Rabinovich de Jérusalem.

Mais, surtout, la légende a infusé dans tous les pans de la culture populaire sans être directement citée. Il est ainsi difficile de ne pas penser au golem face au personnage de Voldemort dans la série Harry Potter, à Terminator, ou bien à tous les héros des comics Marvel adaptés à l’écran : Superman, Hulk… L’exposition voit aussi dans certains robots de fiction la résurgence du Golem, comme dans Metropolis, de Fritz Lang. Plus largement, elle évoque toutes les formes d’intelligence artificielle : auxiliaires de ménage, assistants pour personnes âgées ou enfants autistes, love dolls, organismes génétiquement modifiés, et même nos corps connectés. Une résonance actuelle qu’Ada Ackerman juge logique : « Cette figure revient en temps de crise, arborant, tel Janus, un double visage, celui de l’espoir – golem sauveur et messie – et celui de la monstruosité. »

« Golem ! Avatars d’une légende d’argile » Musée d’art et d’histoire du judaïsme, hôtel de Saint-Aignan, 71, rue du Temple, Paris 3e. Du 8 mars au 16 juillet. Le catalogue de l’exposition, coédition Mahj-Hazan, est disponible au prix de 32 €.