Le compositeur Claude Pascal. | DR

Le compositeur Claude Pascal est mort le 28 février à l’hôpital Lariboisière, à Paris. Il était âgé de 96 ans. Avec lui disparaît le dernier survivant de l’ère des Prix de Rome et, surtout, la mémoire d’une époque entretenue avec autant de précision que d’esprit. Créateur dans la grande tradition française de l’artisanat soigné, il parlait comme un livre ouvert d’une vie musicale dans laquelle son rôle n’aura pas été que celui d’un témoin.

Né le 19 février 1921 à Paris, dans une famille disposant de peu de moyens mais qui « avait une idée très haute de ce qu’était la musique », Claude Pascal est admis le 30 novembre 1931 en classe de solfège au Conservatoire de Paris, où il décroche une première médaille dès la fin de l’année scolaire. Moins heureux en piano, il n’obtient en 1935 qu’une deuxième médaille. Il s’oriente l’année suivante vers l’harmonie, qu’il étudie sous la houlette de Jean Gallon, « la clef de voûte du système ». C’est-à-dire d’un parcours en trois étapes que Claude Pascal effectue en décrochant autant de Premiers prix, successivement en 1939 (harmonie), 1940 (contrepoint et fugue chez Noël Gallon) et 1943 (composition, chez Henri Busser).

Pensionnaire à la Villa Médicis

Elève doué tant pour l’oreille que pour l’œil, Claude Pascal aurait pu brosser un portrait de chaque professeur en se remémorant des expériences significatives. Il se présente un jour à la classe d’Henri Busser, à 14 heures, pour lui soumettre une mélodie de son cru, et en repart deux heures plus tard sans avoir pu placer le moindre mot à propos de sa partition, le maître ayant parlé deux heures sans même « s’octroyer une respiration prolongée ». Au sujet de Louis Laloy, titulaire de la classe d’Histoire de la musique qu’il quitta en 1941 avec un Premier prix, Claude Pascal soulignait des qualités de linguiste en les étayant par un fait historique (Laloy fut l’auteur de la traduction française de Boris Godounov, l’opéra de Modeste Moussorgski) et par une observation domestique (une pièce du professeur polyglotte « était entièrement tapissée de livres en chinois »).

Si le passage dans la classe de direction d’orchestre (entamée avec Charles Munch et bouclée avec Louis Fourestier) débouche sur une impasse (« par la faute de l’élève et non des maîtres »), la mise en loge pour le Prix de Rome n’est pas sans lendemain. Claude Pascal se voit attribuer le Premier Grand prix en 1945 et rejoint la Villa Médicis, en 1946, avec l’idée de satisfaire à une drôle de commande : composer un équivalent de la fameuse Sonate de Vinteuil, imaginée par Marcel Proust dans A la recherche du temps perdu. Longtemps paralysé par l’enjeu, le pensionnaire de l’Académie de France à Rome livre finalement une partition pour violon et piano qui, après quelques exécutions privées, ne sera véritablement créée qu’en 2010 à Cabourg (Calvados).

Tous les opus de l’abondant catalogue du compositeur ne connurent pas un semblable destin d’oubli précédant une reconnaissance tardive. La plupart d’entre eux, morceaux de concours ou non, font le bonheur des interprètes et les auditeurs peuvent très souvent y percevoir la malice propre à Claude Pascal. Par exemple, dans la mise en musique de textes règlementaires tels que ceux de la Théorie de la musique de Dannhauser (Eléments de solfège, 1962) ou des orientations de la SNCF (L’invitation aux voyages, 1980).

Passionné mais scrupuleux

Comme beaucoup de musiciens de sa génération, Claude Pascal revint au Conservatoire pour y enseigner. Professeur de déchiffrage et conseiller aux études, de 1965 à 1987, il y fut notamment l’adjoint de son ami Raymond Gallois-Montbrun. Un même attelage de Prix de Rome lui valut de collaborer au Figaro comme critique musical (de 1969 à 1979) avec Pierre-Petit. Très proche d’Henri Dutilleux, qu’il admirait depuis son jeune temps et avec lequel il avait, en 1953, partagé l’affiche des ballets Roland-Petit (création de La Perle, argument de Louise de Vilmorin et décors de Zao-Wou-Ki), il l’était aussi de son épouse, Geneviève Joy, dont il avait produit le premier enregistrement d’un programme à deux pianos (Jeux d’enfant, de Georges Bizet, avec Jacqueline Robin) alors qu’il assurait la direction artistique – de 1965 à 1967 – du Club du disque français.

En dehors de trois publications du label Polymnie, Claude Pascal ne fut pas très bien servi par le disque. Encore moins en tant que chanteur, activité qui fut liée à son enfance et dont témoigne un enregistrement de 1933 réunissant une mélodie de Claude Debussy et une autre de Gabriel Grovlez. Claude Pascal ne pouvait pas réécouter la seconde (« J’ai fait un trou dans ma culotte ») sans se lamenter. A la recherche d’une expression plus vraie que précise, l’ingénieur du son lui avait dit : « Oublie ta médaille de solfège ! ». L’enfant avait obtempéré mais l’homme n’oublierait jamais. Pas plus l’éminente distinction (« Obtenue, premier nommé, devant 50 candidats, vous êtes impressionné, j’espère ! ») que l’interprétation approximative. Passionné mais scrupuleux, Claude Pascal.

Repères

1921 : Naissance à Paris

1945 : Premier Grand prix de Rome

1946 : « Sonate de Vinteuil »

1965-87 : Professeur au Conservatoire de Paris

2017 : Mort à Paris