Les logos de Peugeot et Opel, à Villepinte (Seine-Saint-Denis), le 20 février. | CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS

Editorial du « Monde ». Lundi 6 mars aura été un jour faste pour le groupe PSA : non seulement l’annonce officielle du rachat d’Opel-Vauxhall à GM par le constructeur français et la publication des termes de l’acquisition confirment qu’il s’agit d’une très belle opération, mais, cerise sur le gâteau, c’est l’une de ses voitures, la Peugeot 3008, qui a été couronnée voiture européenne de l’année au Salon international de Genève.

Ces succès sont mérités. Le mariage PSA-Opel, dont l’enjeu dépasse évidemment celui de la jolie récompense de la 3008, est à mettre en bonne partie au crédit de Carlos Tavares, le patron de PSA. Aux commandes depuis 2014, après avoir quitté Renault-Nissan où il se sentait à l’étroit, M. Tavares, 58 ans, a su redresser en un temps record un groupe très gravement atteint par la crise économique. Sa stratégie de réduction des coûts, couplée à l’intervention propice de l’Etat et au partenariat avec le chinois Dongfeng, qui s’est révélé un allié solide, a produit les résultats escomptés. PSA est redevenu rentable, et sa capitalisation boursière a progressé de 40 % en trois ans.

En mettant la main sur Opel, le PDG de PSA fait un pari audacieux, qui transforme le paysage de l’industrie automobile européenne et redistribue radicalement les cartes sur le marché mondial. Non seulement PSA-Opel ravit à Renault-Nissan la deuxième place de constructeur en Europe, derrière Volkswagen, mais il crée un groupe idéalement placé et dimensionné pour l’exportation, en particulier sur les marchés émergents.

Le redressement de Peugeot-Citroën, qui a permis l’acquisition d’une marque allemande (certes mal en point), prouve par ailleurs que l’on peut réformer en France. Les partenaires sociaux ont contribué à l’amélioration de la situation en signant deux pactes de compétitivité pour les usines françaises de PSA en quatre ans. La masse salariale représente aujourd’hui 10 % du chiffre d’affaires chez le constructeur français, contre 15 % chez Opel. Peugeot comme Renault affichent à présent un taux de marge de 6 %, soit trois fois mieux que Volkswagen.

Résister aux tempêtes

Autre leçon du mariage PSA-Opel : l’esprit européen existe. Si Carlos Tavares a réussi à convaincre les Allemands, et leurs syndicats, de l’intérêt d’un rapprochement automobile franco-allemand susceptible de créer un champion automobile européen, c’est qu’il y a maintenant une réelle prise de conscience de la nécessité d’une taille industrielle critique pour résister aux tempêtes de l’économie mondialisée. L’Europe, avec son marché de 500 millions de consommateurs, peut être remarquablement efficace si elle est unie : encore faut-il avoir la volonté d’utiliser sa force de frappe. A contrario, la perspective du Brexit a affaibli la Grande-Bretagne dans la négociation franco-anglo-allemande sur le maintien des usines Vauxhall et des emplois.

De son côté, en cédant Opel et Vauxhall, constamment déficitaires depuis les années 1990, Mary Barra, la PDG du constructeur américain General Motors, a tiré les conclusions qui s’imposaient. GM met ainsi fin à près d’un siècle de présence en Europe. On peut y voir un symbole, à l’heure où le président Donald Trump donne le signal du repli et de l’affaiblissement des liens transatlantiques. Mais c’est d’abord et avant tout une décision économique pour un groupe qui souhaite surtout doper ses marges.