L’entraîneur du FC Barcelone, Luis Enrique, le 7 mars. | LLUIS GENE / AFP

Ses mots sont censés avoir des vertus galvanisantes. Etrillé (4-0) au match aller par le Paris-Saint-Germain, Luis Enrique a tenté de piquer au vif ses joueurs à la veille du huitième de finale retour de Ligue des champions, mercredi 8 mars, au Camp Nou. « S’ils nous ont marqué quatre buts, nous pouvons leur en marquer six, a déclaré crânement l’entraîneur du FC Barcelone, éreinté par la presse espagnole depuis la déroute historique de son équipe au Parc des Princes. Il ne faut pas devenir fou, ne pas se dire qu’on doit marquer tant de buts en tant de minutes. Nous n’avons rien à perdre, et énormément à gagner. »

En poste depuis 2014, l’ex-milieu de terrain des Blaugrana (1996-2004) s’est même mué en chauffeur de salle, n’invitant pas les socios du Barça « à la patience, bien au contraire ». « Le Camp Nou doit être une cocotte-minute. Nous n’avons pas besoin de calme, nous avons besoin d’un Camp Nou plein à craquer, en alerte, surexcité », s’est enflammé le technicien de 46 ans. Pouvait-il adopter une autre posture alors que les supporteurs catalans n’ont que le mot remontada (remontée) à la bouche, éberlués par les deux dernières victoires éloquentes de leur formation en Liga (6-1 contre Gijon et 5-0 face au Celta Vigo) ?

Dos au mur, Luis Enrique s’ingénie à maintenir l’espoir, croyant à « l’alignement des astres » et se référant aux exploits passés du Barça, naguère capable de renverser la vapeur (triomphe 4-0 après une défaite 2-0 à l’aller) face au Milan AC, en mars 2013, au même stade de l’épreuve. « Je ne suis pas très politiquement correct et je me moque de l’histoire comme de ma première chemise. Mais je suis convaincu qu’à un moment du match nous en serons proches. C’est ma conviction depuis deux ou trois semaines. Cela ne signifie pas que nous allons nous qualifier, ou que l’adversaire ne pourra pas nous marquer un but, a insisté l’ex-international espagnol (62 sélections entre 1991 et 2002). Mais à un moment, ce qui nous semble pour l’instant très compliqué va se rapprocher. »

Un palmarès impressionnant

Paratonnerre d’un effectif blessé dans son orgueil depuis la correction reçue à Paris, l’entraîneur barcelonais a surpris son monde en annonçant, avant la manche retour, son départ à la fin de la saison. « La raison, c’est la manière dont je vis cette profession. Cela signifie pour moi très peu d’heures de repos et de déconnexion », a-t-il sobrement expliqué, le 1er mars, alors que son contrat expire en juin. L’ex-coach de l’AS Rome (2011-2012) a donné l’impression de vouloir évacuer son cas personnel pour mieux remobiliser ses troupes.

Censé ouvrir un nouveau cycle fastueux au Barça après le règne de Pep Guardiola (2008-2012), Luis Enrique n’a désormais plus rien à prouver en Catalogne. Grâce à son trio d’attaque « MSN » (Messi, Suarez, Neymar), le quadragénaire s’est forgé un palmarès impressionnant depuis sa prise de fonctions. Sa première saison sur le banc catalan est couronnée par un triplé retentissant (Ligue des champions, Liga, Copa del Rey). En 2015-2016 suivront cinq titres, dont un doublé Liga-Coupe. Rénovateur d’un FC Barcelone en quête d’un second souffle, le natif de Gijon avait été intronisé par le directeur sportif et ex-gardien du club, Andoni Zubizarreta, pour remplacer l’Argentin Gerardo Martino.

« Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir »

L’ancien capitaine du Barça avait d’emblée imposé à ses troupes une discipline de fer, prohibant les boissons alcoolisées lors des rassemblements et sanctionnant d’une amende le moindre retard. Volontiers ironique lors des conférences de presse, se méfiant des médias, Luis Enrique a choisi, comme ses prédécesseurs, de ne donner aucun entretien en tête-à-tête. Soucieux de stimuler la concurrence, il n’avait pas hésité à reléguer sur le banc des remplaçants des cadres comme le milieu Xavi Hernandez ou le défenseur Gérard Piqué.

Luis Enrique s’est notamment distingué en adoptant une posture plus pragmatique, moins épris d’esthétisme que son prédécesseur Pep Guardiola, lequel était focalisé sur la possession de balle. « Il a été un grand entraîneur, a froidement déclaré le président du FC Barcelone, Josep Maria Bartomeu, sitôt annoncée l’abdication prochaine du technicien. Maintenant, il faut terminer cette étape de la meilleure des manières. »

« Laissez-moi l’enthousiasme et l’espoir de renverser la situation, a lancé le technicien aux journalistes espagnols, sceptiques quant aux chances du Barça de dompter les quadruples champions de France en titre. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. » Alors que les médias ibériques annoncent déjà l’arrivée sur le banc catalan de Jorge Sampaoli, l’entraîneur argentin du FC Séville, Luis Enrique espère se muer en faiseur de miracle face au PSG. Afin de quitter le Camp Nou comme il l’avait fait, au terme de sa carrière de joueur, en 2004 : sous les vivats des socios barcelonais.