Des réfugiés syriens dans la ville frontalière d’Ersal, au Liban. | AHMAD SHALHA/REUTERS

Quelque 250 Syriens et Irakiens vont arriver en France d’ici à neuf mois, rapatriés depuis le Liban par des communautés religieuses. C’est une première. En passe d’être signée par le ministère de l’intérieur, la Communauté de Sant’Egidio, la Fédération protestante de France, la Fédération de l’entraide protestante et la Conférence des évêques de France, cette opération européenne a été baptisée « Couloirs humanitaires ».

Les communautés religieuses vont signer un protocole avec la Place Beauvau. Elles choisiront leurs candidats à la réinstallation sur des critères de « vulnérabilité », ou sur les « liens familiaux ou culturels forts avec la France ». Ensuite, elles paieront le transport des réfugiés et assureront leur logement et leur prise en charge en France durant un an.

Le cas de ces 250 personnes réactivera l’usage du « visa humanitaire », puisque c’est ce document qui leur sera délivré. En 2016, la France en a délivré 2 745 à des Syriens et 1 369 à des Irakiens, mais la baisse d’octroi de ce laissez-passer aux Irakiens (– 45 % en 2016) inquiète les autorités religieuses. En conclusion de leur assemblée de printemps à Lourdes, les évêques français avaient en effet demandé aux autorités « de ne pas relâcher leurs efforts pour aider les minorités vulnérables, comme les yézidis et les chrétiens ».

Il « n’y a plus d’urgence vitale à sortir du pays »

Yézidis ou chrétiens d’Irak n’arrivent en effet toujours qu’au compte-gouttes en France, en dépit des demandes insistantes des familles et de l’inquiétude nourrie pour les populations restées à Erbil. Cet immobilisme français est contraire à l’engagement pris le 1er août 2014, lors d’une réunion d’urgence au Quai d’Orsay sur « la situation grave des minorités en Irak et les menaces qui pèsent notamment sur les chrétiens ». Laurent Fabius, alors ministre des affaires étrangères, et Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’intérieur, avaient donné des instructions favorisant la venue des familles. Cette politique serait-elle en train de changer en silence ?

Le 8 février, Dominique Mas, consul général d’Erbil, a envoyé à sa tutelle et à la Place Beauvau une note précisant que 269 familles souhaitaient rejoindre la France. Dans ce document « à diffusion restreinte » que Le Monde a pu consulter, le diplomate estime que « la libération des territoires occupés par Daech offre désormais des perspectives de retour pour les familles de déplacés », même s’il reconnaît que ce sera difficile puisque « les familles chrétiennes ou yézidies ne veulent plus être contraintes de reconstruire sans cesse leur vie au gré des déplacements et des persécutions dont elles font l’objet depuis plusieurs décennies ».

Fort de cette analyse, M. Mas conclut qu’il « n’y a plus d’urgence vitale à sortir du pays » et assimile la demande d’asile de ces populations « à de la migration pour raison économique ». Et, se plaçant sur un autre terrain, le consul général ajoute que « si nous souhaitons aider l’Irak à conserver sa diversité cultuelle et ethnique, il serait logique de ne pas encourager l’exode des chrétiens et yézidis ». Autant d’arguments qui laissent entendre que les familles installées en France pourraient attendre encore longtemps l’arrivée de leurs proches…