Ce début d’année 2017 semble propice aux fusions-acquisitions pour les entreprises françaises. Après le mariage d’Essilor avec l’italien Luxottica dans les lunettes, l’acquisition par le motoriste Safran de l’équipementier aéronautique Zodiac, puis le récent rachat de l’allemand Opel par PSA, Suez a emporté, mercredi 8 mars, la compétition pour acquérir l’américain GE Water, la branche eau de General Electric.

Le numéro deux mondial de l’eau et des déchets, en partenariat avec la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), va consacrer 3,2 milliards d’euros à cet achat qui lui permet de se renforcer dans les services aux industriels. Cette opération est « stratégique » pour Suez, affirme son directeur général, Jean-Louis Chaussade : « Stratégique par sa dimension, sa taille, mais aussi parce qu’elle permet une véritable complémentarité, à la fois géographique et technologique, qui va accélérer la croissance profitable du groupe. »

La branche eau de l’américain sera intégrée à une nouvelle entité, comprenant également les actuelles activités de Suez dans l’eau industrielle, qui sont de taille plus modeste, 500 millions d’euros de chiffre d’affaires comparés aux 2 milliards d’euros venus d’outre-Atlantique. Ce nouvel ensemble regroupera près de 10 000 personnes dont 7 500 issues de GE Water. Il sera détenu à 70 % par le français et à 30 % par la CDPQ.

Encore très tourné vers les services aux collectivités, Suez va renforcer sa présence auprès des industriels, un marché « en forte croissance », souligne M. Chaussade. Il représente 15 % à 20 % de la consommation mondiale d’eau, soit trois à quatre fois plus que celle des collectivités et des villes. De plus, ce marché, évalué à plus de 95 milliards d’euros, progresse de 5 % par an.

Internationalisation

Le français devient aussi le troisième acteur dans ce secteur aux Etats-Unis. Il acquiert un portefeuille de clients composé de grandes entreprises comme ExxonMobil, Nestlé, Shell, Pfizer, BASF, Samsung, Total ou Coca-Cola. Suez compte aussi sur ce rapprochement pour leur proposer ses services de gestion des déchets, deuxième branche de son activité. « De plus en plus de clients souhaitent que nous leur vendions des services qui prennent en compte leur empreinte écologique, et donc à la fois l’eau et les déchets », relève le directeur général de Suez.

Autre avantage, GE Water est très avancé dans le numérique, les équipements connectés étant devenus essentiels pour la gestion de l’eau. Enfin, ce rachat va amplifier l’internationalisation du groupe puisque plus de 80 % de l’activité de GE Water est réalisée hors d’Europe, principalement aux Etats-Unis, mais aussi en Chine et en Amérique latine. La part à l’international représentera près de 40 % du chiffre d’affaires de Suez, contre 32,5 % en 2016.

Les discussions ont commencé lorsque GE a annoncé fin 2016 son intention de se séparer de sa branche eau, après la fusion de ses activités dans le secteur pétrolier et gazier avec son compatriote Baker Hughes. Sur la trentaine de candidats déclarés, six à huit ont d’abord été retenus avant qu’il n’en reste plus que trois en lice : un fonds d’investissement américain, un groupe chinois et le français.

Pour Suez, il s’agit de la plus importante acquisition depuis sa prise de contrôle, en plusieurs étapes entre 2007 et 2014, de l’espagnol Agbar pour 4 milliards d’euros. Pour financer cet achat américain, Suez procédera à une augmentation de capital de 750 millions d’euros à laquelle ses principaux actionnaires (Engie, l’espagnol CriteriaCaixa et le groupe italien Caltagirone) se sont engagés à contribuer au prorata de leur participation actuelle au capital. Le reste du financement sera couvert par de la dette (émission obligataire et titres hybrides). De son côté, CDPQ apportera 700 millions d’euros.

Suez et CDPQ comptent finaliser l’opération à l’été, sous réserve de l’obtention des autorisations réglementaires. L’augmentation de capital suivra.