Conférence de presse des femmes Marines victimes de harcèlement en ligne, le 8 mars à Los Angeles. | FREDERIC J. BROWN / AFP

Le commandant du prestigieux corps américain des Marines, le général Neller, a exprimé vendredi 10 mars son embarras face aux trafics de photos intimes de femmes Marines, diffusées sans leur consentement par des collègues masculins. « J’ai un problème de génération ici. (…) Je ne vais pas sur les réseaux sociaux, peut-être que c’est une erreur », a expliqué sur un ton bougon le général quatre étoiles.

Le corps des Marines est secoué par la révélation le week-end dernier d’un trafic de photos osées, voire pornographiques, sur une page Facebook nommée « Marines United », désormais fermée. Des Marines, actuels et anciens, utilisaient la page pour s’échanger des photos intimes de leurs consœurs, sans le consentement de celles-ci. Les photos s’accompagnaient souvent du nom et des unités des femmes concernées, et de commentaires salaces ou orduriers.

Vengeance

Beaucoup d’images avaient apparemment été prises de façon consentie, mais ont été diffusées ensuite sans l’accord des femmes concernées, par exemple par d’anciens compagnons désireux de se venger, selon l’enquête de l’ancien des Marines Thomas Brennan qui a mis le feu aux poudres. Dans un cas au moins, les photos avaient été prises à l’insu de la victime, selon la même source.

D’après le général Neller, « moins d’une dizaine » de femmes Marines ainsi exposées ont pour l’instant dénoncé ces faits auprès de la hiérarchie militaire. Thomas Brennan avait rapporté pour sa part au moins « deux dizaines » de cas.

Le scandale ne serait pas limité à cette seule page Facebook, sur laquelle enquête désormais le service d’enquête criminelle de la marine (NCIS), ni aux seuls Marines.

Le site Business Insider a révélé jeudi l’existence d’une autre plateforme de partage, dépassant cette fois le cadre des Marines pour s’étendre à d’autres services de l’armée américaine. Les contributeurs s’encourageaient à chercher des clichés, y compris en désignant des femmes à prendre pour cible, et à les publier. Des centaines de photos auraient été partagées sur le site.

« Violation des valeurs fondamentales »

Le Pentagone a appelé vendredi tous les militaires américains à dénoncer de tels faits s’ils viennent à en être témoins.

Et le ministre américain de la Défense Jim Mattis, lui-même un ancien Marines, a dénoncé dans ces actes « une violation scandaleuse des valeurs fondamentales » des forces armées, susceptibles de les affaiblir face à l’ennemi. « Le manque de respect de la dignité et de l’humanité » de compagnons d’arme « nuit à la cohésion des unités » et « ne peut être toléré ou excusé si nous voulons (….) maintenir notre capacité à battre nos ennemis », a-t-il dit.

Le général Neller de son côté a créé un groupe de travail au sein des Marines sur « les mauvais comportements et le harcèlement en ligne ». Et il a appelé les Marines à accepter et respecter la présence de femmes dans leurs unités, même s’il faut pour cela faire évoluer l’esprit de solidarité virile imprégnant ces troupes endurcies. « Ça fait 15 ans que nous nous battons côte à côte, hommes et femmes », a-t-il indiqué, en rappelant la mémoire de Marines femmes tuées à un checkpoint en Irak.

« « Lisez plus, buvez moins » »

« Les gars, laissez-les faire leur job, faites le vôtre et vous savez quoi ? tout ira bien », a-t-il lancé. « Elles ont fait leur part, je ne vois pas ce qu’elles peuvent faire de plus » pour être acceptées, a-t-il dit. « J’ai besoin de gens biens, d’hommes et de femmes de caractère et de courage (…) J’ai besoin que vous lisiez plus, buviez moins, soyez encore plus entraînés physiquement. Si on fait tous ça, tout ira bien ».

L’administration Obama a supprimé en 2016 les dernières discriminations en fonction du sexe dans l’armée, ouvrant aux femmes tous les postes de combat (forces spéciales, infanterie, blindés…), même les plus exposés. Le corps des Marines s’est montré le plus réticent à cette évolution.