Gaël Fickou et Yoann Huget contre l’Irlande, le 25 février à Dublin. | PAUL FAITH / AFP

Le refrain est devenu rengaine : le XV de France tentera, samedi (15 h 30) en Italie lors de la quatrième journée du Tournoi des Six Nations, de réaliser enfin un match référence, c’est-à-dire de gagner avec la manière. Avec deux défaites, certes en Angleterre et en Irlande, et une victoire dans la compétition, à domicile contre l’Ecosse, les Bleus savent que la dernière ligne droite n’est pas sans enjeu : deux succès, à Rome, puis le 18 mars contre les Gallois, et le verre serait à moitié plein. Tout autre résultat et on le verrait vide, à moitié ou totalement.

La dynamique ne plaide pas spécialement en faveur des hommes de Guy Novès, notamment après la défaite décourageante concédée à Dublin. Elle a aussi renvoyé à ses doutes l’encadrement qui, dans les coursives de Lansdowne Road, a évoqué pour la première fois la nécessité d’amender un peu son projet de jeu, basé sur le mouvement et la passe à tout crin, pour y ajouter du pragmatisme. Cela pourrait prendre du temps, comme à coup sûr l’éventuelle mise en place de contrats fédéraux pour les internationaux, décrétée au lendemain de la défaite en Irlande par le président de la Fédération française de rugby (FFR) Bernard Laporte, afin de remettre l’église tricolore au centre du village mondial.

En attendant, voilà les Bleus réduits à s’avancer sur la pointe des pieds en Italie. Novès a pourtant fait appel à deux bizuths (Fabien Sanconnie d’entrée, Antoine Dupont sur banc) dans un XV remanié, avec les retours de Dulin et Vakatawa.

La France, plus mauvaise attaque du Tournoi

En face, la Squadra a tenu tête pendant une heure à l’Angleterre (15-36) à Twickenham il y a deux semaines grâce à un coup tactique – ne pas disputer les rucks en défense –, mais elle a également encaissé près de 100 points cumulés au Stadio Olimpico contre le pays de Galles (7-33) et l’Irlande (10-63). Preuve de l’état actuel du XV de France, ces Italiens lui font néanmoins peur, puisque « toutes les équipes nous font peur », a souligné l’ouvreur Camille Lopez.

Depuis le début du Tournoi, la France n’a marqué que deux essais. C’est la plus mauvaise attaque du plateau : même l’Italie a fait mieux (4). Outre l’alternance, la solution est à chercher dans la domination du pack et la discipline. « Il faudra être plus rigoureux (…) pour ne pas faire de faute et collectivement, pour mettre en place notre jeu », avance Lopez. Son camarade de charnière Baptiste Serin vise, lui, « les petits détails sur nos lancements de jeu » qui permettraient, s’ils étaient réglés, de déborder les Italiens. « Il faut tenir des séquences de jeu en étant très disciplinés, en gardant le ballon, en avançant », martèle le Bordelais.

Le plan, c’est de mener d’entrée. « Etre plus réaliste, prendre le score et après on verra », édicte le numéro 9, qui souhaite « quatre-cinq temps de jeu vraiment très propres pour se mettre dans de bonnes dispositions d’attaque ». Pour marquer, les Bleus doivent aussi dépasser la peur qui semblait tellement présente contre l’Ecosse (22-16). « J’espère qu’on aura appris de l’Ecosse et qu’on sera capable d’aborder ce match en gardant cette notion de plaisir », demande Lopez.

Kevin Gourdon, le 12 février au Stade de France. | MARTIN BUREAU / AFP

« Pas les moyens de fanfaronner »

« Bien sûr qu’on aimerait gagner avec la manière, mais on va tomber contre des Italiens qui disputent leur dernier match à domicile dans ce Tournoi et voudront finir avec une victoire », a expliqué Jeff Dubois, entraîneur en charge des lignes arrières. « Si on peut gagner 3 à 0, on gagnera 3 à 0, même si peut-être que vous ne serez pas contents. Et si on peut développer notre jeu on le fera avec plaisir. »

« On n’a pas les moyens aujourd’hui de fanfaronner, de faire un peu comme les Anglais : jouer l’Italie en les prenant de haut. Nos résultats ne nous permettent pas ça », a embrayé Guy Novès. Le plus beau palmarès du rugby français comme entraîneur (dix titres de champion de France et quatre Coupes d’Europe) a évidemment raison, lui qui affiche un bilan négatif (cinq victoires pour huit défaites) depuis son arrivée pour remettre à flot le bateau bleu.

Celui-ci tangue encore et est donc condamné à vaincre à Rome, là-même où les Bleus se sont inclinés à deux reprises lors de leurs trois derniers déplacements (21-22 en 2011 et 18-23 en 2013). Autant pour éviter une claque infamante que pour briser le signe indien et décrocher la première victoire des Bleus de l’ère Novès à l’extérieur dans le Tournoi.

Il s’agit également pour le rugby français de garder au minimum leur actuelle 8e place mondiale, synonyme d’un tirage au sort, le 10 mai, a priori plus favorable pour la Coupe du monde 2019 au Japon. Même si Guy Novès le sait, demain, c’est loin.