Editorial du « Monde ». L’économie française ne voit pas encore le bout du tunnel. Mais plusieurs clignotants sont passés au vert, laissant entrevoir, après les dégâts provoqués par la crise de 2008, une sortie progressive de convalescence.

Selon les chiffres publiés, vendredi 10 mars, par la Banque de France, les défaillances d’entreprises ont fortement chuté en 2016. Avec 58 057 entreprises qui ont fait l’objet d’une procédure de sauvegarde, d’une liquidation ou d’un redressement judiciaire, contre 63 081 en 2015, la baisse est de 8 %. Si ce nombre reste élevé (+ 24 % par rapport à ce qu’il était avant la crise de 2008), il témoigne d’une réelle embellie. « Le climat des affaires s’améliore », reconnaît Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, secrétaire général de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).

A cette bonne nouvelle s’en ajoute une autre : selon l’Insee, le secteur privé a créé, en 2016, 187 200 emplois (+1,2 %), soit près du double qu’en 2015. Cette progression, enregistrée pour le septième trimestre consécutif, est la plus forte depuis 2007. Un résultat positif qui doit cependant être relativisé. L’industrie et la construction détruisent encore des emplois. Et cette amélioration est due, dans une large mesure, à une nette accélération de l’emploi intérimaire – 70 200 –, qui a fait un bond de 12 % en 2016. Si l’économie renoue avec les créations d’emplois, comme le montre aussi le léger recul du taux de chômage l’an dernier, la confiance des chefs d’entreprise n’est pas revenue à un niveau suffisant, dans une période électorale pleine d’incertitudes, pour qu’ils embauchent avec des contrats à durée indéterminée. La précarité est loin de reculer.

Le poids de la dette

Dans ce contexte plus favorable, les entreprises du CAC 40 bénéficient d’une santé presque insolente. En 2016, les profits de ces sociétés – avec en tête du palmarès, comme en 2015, BNP Paribas, Axa et Total – se sont chiffrés à près de 74 milliards d’euros (+32,6 % sur un an). Elles ont amélioré leur marge opérationnelle, qui est passée, en un an, de 6,2 % à 7,7 % de leur chiffre d’affaires, et les dividendes versés à leurs actionnaires vont atteindre un nouveau record.

A six semaines du premier tour de l’élection présidentielle, les pouvoirs publics attribuent ces bons résultats aux effets de leur politique de l’offre, et notamment au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). De quoi, sans doute, donner des regrets à François Hollande, contraint de renoncer à une nouvelle candidature en raison d’une impopularité record. Il reste cependant un point noir : à la fin de l’année 2016, la dette publique s’établissait à 97,5 % du produit intérieur brut, soit sept points de plus que la moyenne de la zone euro.

Depuis 1980, où elle ne représentait que 20,8 % du PIB, elle n’a cessé de gonfler. La France est loin d’être dans les clous des traités européens, qui ne tolèrent théoriquement pas une dette supérieure à 60 % du PIB. Pour autant, les économistes s’accordent à dire qu’elle n’est pas au bord de la faillite. Même si on observe une remontée depuis août 2016, les taux d’intérêt restent à un niveau historiquement bas. Mais si cette embellie apporte un démenti aux discours les plus alarmistes, elle ne doit pas dispenser les futurs gouvernants d’agir pour ne pas se contenter de transférer le fardeau de la dette publique aux générations futures.