En Côte d’Ivoire, certains enfants vont à l’école avec des sacs à dos munis de panneaux solaires intégrés. Lorsqu’ils rentrent chez eux, ils branchent le panneau à une lampe pour pouvoir faire leurs devoirs.

A l’autre bout du continent, des foyers ruraux paient quelques centimes par jour pour bénéficier de systèmes électriques pouvant alimenter trois lampes, cinq chargeurs de téléphone et une radio.

Ces solutions ingénieuses, comme beaucoup d’autres dans toute l’Afrique, contribuent à répondre aux formidables besoins énergétiques du continent bien plus rapidement que les mesures traditionnelles.

Cette rapidité est essentielle. Les besoins énergétiques de l’Afrique sont non seulement considérables, mais également pressants. Jour après jour, le manque de services énergétiques modernes du continent freine la croissance économique, la création d’emplois, l’agriculture durable, la santé et l’éducation.

Tâche colossale

Le défi qui s’impose aux gouvernements, à leurs partenaires de développement et au secteur privé consiste à trouver le moyen d’électrifier au plus tôt des millions de ménages, de communautés reculées et de petits entrepreneurs africains. Pour relever ce défi, les pays doivent étudier toutes les options possibles, qu’il s’agisse d’installations solaires à usage domestique, de mini-réseaux ou de réseaux nationaux.

Cette tâche est colossale, mais nous savons qu’elle est réalisable. De fait, elle a déjà commencé, comme nous le montrons dans un nouveau rapport intitulé « Lumière, puissance, action : électrifier l’Afrique », publié ce mois-ci par l’Africa Progress Panel, dont je suis président.

De nombreux pays se sont fixé des objectifs ambitieux pour améliorer l’accès à l’énergie ou pour faire progresser d’autres aspects de la transition énergétique. Les gouvernements modifient les lois sur l’électricité et perfectionnent leurs cadres réglementaires, ouvrant ainsi la porte aux investisseurs. Les producteurs d’électricité indépendants renforcent la participation du secteur privé et montrent comment augmenter la capacité de production d’énergies renouvelables.

Les modèles sur réseau seront toujours à la base de l’approvisionnement de l’Afrique en énergie. Cependant, les pays africains devant composer avec des moyens financiers limités, une planification énergétique déficiente et une croissance économique rapide doivent choisir, chacun de leur côté, l’ensemble de technologies énergétiques qui améliorera l’accès le plus rapidement possible tout en offrant le meilleur rapport qualité-prix.

Les systèmes innovants et les nouvelles technologies offrent des moyens prometteurs de combler le fossé énergétique de l’Afrique plus vite qu’en recourant au seul processus de raccordement au réseau. En Afrique subsaharienne, l’énergie solaire hors réseau et les mini-réseaux offrent un potentiel indéniable pour améliorer l’accès de la population à l’électricité.

Alternatives permanentes et durables

Les installations solaires hors réseau peuvent représenter les barreaux d’une « échelle énergétique » en fournissant une gamme de services énergétiques à des ménages et à des entreprises aux besoins énergétiques et aux revenus différents. Les familles peuvent bénéficier de mécanismes innovants de paiement à la carte, souvent par le biais d’un téléphone portable, pour passer de l’éclairage solaire à de petits systèmes pouvant alimenter plusieurs appareils domestiques.

Les services communautaires, notamment les écoles et les établissements de santé, peuvent également être alimentés par l’énergie solaire hors réseau, qui permettrait par ailleurs d’améliorer la productivité des exploitations agricoles et des petites entreprises. Grâce aux innovations technologiques, les mini-réseaux peuvent en outre offrir des alternatives permanentes et durables au raccordement au réseau, en particulier au fur et à mesure du lancement de produits fiables et abordables, attrayants pour les petites et moyennes entreprises dont les activités se déroulent à l’écart du réseau national.

La production d’électricité hors réseau ou à travers des mini-réseaux a un rôle crucial à jouer pour répondre aux trois grands défis énergétiques auxquels sont confrontés les gouvernements africains, à savoir : garantir à tous leurs citoyens l’accès à des services énergétiques sûrs et abordables ; mettre en place les infrastructures énergétiques nécessaires à l’avènement d’une croissance inclusive et à la création d’emplois ; et limiter les émissions de carbone.

Pour ce faire, les gouvernements africains doivent soutenir l’instauration d’un environnement propice à l’entrée des entreprises sur les marchés de la production, du transport et de la distribution de l’énergie, à leur progression dans la chaîne de valeur, et à l’établissement de partenariats d’investissement susceptibles de stimuler la croissance et la création d’emplois.

Possibilités radicales

Pour tirer parti du potentiel des nouvelles technologies énergétiques, les gouvernements africains ont besoin de tout le soutien possible. Des donateurs bilatéraux et multilatéraux ont promis de destiner plusieurs milliards de dollars à la transition énergétique en Afrique, mais à ce jour, seule une petite partie de ces fonds a effectivement été débloquée. Les donateurs doivent comprendre que l’électrification de l’Afrique est un impératif urgent.

Outre l’ouverture du continent aux possibilités radicales offertes par les technologies hors réseau et les mini-réseaux, les gouvernements africains ont une tâche décisive à entreprendre, au cœur des problèmes énergétiques du continent : améliorer des réseaux énergétiques qui étaient jusqu’alors peu fiables et fragiles sur le plan financier.

De nombreuses entreprises publiques du secteur énergétique souffrent d’une mauvaise gestion et d’une inefficacité chronique. Le manque de responsabilité et de transparence favorise en outre la corruption. Il s’agit de problèmes majeurs et persistants, mais qui peuvent être résolus, comme en témoigne l’expérience de nombreux pays. Les gouvernements font preuve de leadership, mais ils doivent être épaulés pour mettre en place les politiques et les plans intégrés susceptibles d’assurer la transition énergétique de l’Afrique à grande échelle.

Que ce soit en réseau ou hors réseau, nous disposons des technologies dont l’Afrique a besoin pour fournir de l’énergie à l’ensemble de sa population. Mettons-nous au travail.

Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations unies (1997-2006), est président de l’Africa Progress Panel, basé à Genève, un groupe de dix personnalités éminentes issues des secteurs privé et public qui se mobilisent en faveur d’un développement équitable et durable pour l’Afrique.