Khalifa Sall, le maire de Dakar, dans la tenue blanche qui le caractérise. | Ville de Dakar

Si les partisans du maire de Dakar, Khalifa Sall, emprisonné depuis le soir du mardi 7 mars, avaient organisé une manifestation de soutien, ils n’auraient pas reçu l’autorisation de se rassembler. Alors, vendredi en fin de journée, ils ont convoqué une conférence de presse à l’hôtel de ville de Dakar. Un seul des avocats de l’édile était là, Me Al-Hadj Diouf, accompagné d’une grande partie de l’opposition, de plusieurs maires socialistes ainsi que des centaines de militants.

« Tant que nous avons un adversaire commun, nous nous mettrons ensemble pour le combattre », a déclaré Doudou Wade, neveu de l’ancien président Abdoulaye Wade, venu représenter le Parti démocratique sénégalais (PDS).

Cheikh Bamba Dièye, leader du Front pour le socialisme et la démocratie, Abdoul Mbaye, ancien premier ministre de Macky Sall et leader du mouvement ACT, Serigne Assane Mbacké, l’un des soutiens de Karim Wade, mais aussi le Grand Parti de Malick Gackou, ils étaient tous présents à la mairie, sauf Idrissa Seck, du parti Rewmi. Son porte-parole avait pourtant déclaré la veille que « le moment choisi pour [arrêter] le maire Khalifa Sall, le lynchage le concernant et tout ce qui a été fait montre qu’il s’agit d’une volonté manifeste de s’en prendre à un adversaire politique ».

Khalifa Sall dirige la capitale du Sénégal depuis 2009. Ancien ministre, il est l’un des responsables du Parti socialiste (PS), formation politique membre de la coalition de l’actuel président Macky Sall. Mais le maire de 61 ans, en dissidence de son parti et au sein de la majorité, avait déjà annoncé il y a plusieurs mois qu’il présenterait sa propre liste de candidats aux législatives du 30 juillet. De fait, l’opposition sénégalaise, même si sa grande figure est en prison, a confirmé présenter, dès cette semaine, une liste unique pour ce scrutin, a annoncé vendredi Doudou Wade.

Le président attaqué à plusieurs reprises

Depuis l’incarcération du maire de Dakar dans la nuit du 7 au 8 mars pour « détournement de fonds publics », aucun rassemblement de ses partisans n’a été autorisé, selon nos informations. La prétendue conférence de presse de vendredi s’est donc transformée en tribune pour ses partisans, qui n’ont pas changé de ligne de défense. « Cette affaire est politique », ont répété les leaders de l’opposition, sur un ton souvent très offensif. « Si Macky Sall cherche des voleurs, il en trouvera, s’est exclamé l’avocat Al-Hadj Diouf. Ousmane Tanor Dieng [le secrétaire général du PS] a été convoqué à la Division des investigations criminelles (DIC) dans l’affaire des licences de pêche. [Le président de l’Assemblée nationale] Moustapha Niasse a été entendu dans l’affaire des passeports chinois. Ce ne sont pas des vieux sages ! Ils se sont enrichis sur le dos des Sénégalais. »

Le chef de l’Etat sénégalais a ainsi été attaqué à plusieurs reprises. « En 2008, lorsque Macky Sall était convoqué à la DIC, nous nous étions tous rassemblés pour le soutenir et Khalifa Sall le premier », a rappelé Cheikh Guèye, le maire de Dieuppeul-Derklé. Le frère du président, Aliou Sall, maire de la commune de Guédiawaye, a lui aussi été critiqué, notamment pour le dossier Petro-Tim.

Pour les partisans du maire de Dakar, il s’agissait de « la dernière manifestation à l’hôtel de ville », puisqu’ils comptent désormais investir les rues de la capitale. « Il y aura une réaction politique, a annoncé Barthélémy Dias, maire de Mermoz-Sacré-Cœur. Nous allons occuper les gares routières, les marchés, les campus universitaires pour convaincre les Sénégalais à voter juste. »

Tous habillés de blanc

Les militants, eux, étaient tous habillés de blanc, couleur que porte souvent Khalifa Sall. « C’est la couleur de la paix et de l’innocence, lance Fatou Sow, qui brandit une photo du maire de Dakar portant l’inscription “Libérez Khalifa”. Notre maire n’a rien fait de tout ce qu’on lui reproche. On se battra pour lui, pacifiquement, puisqu’il n’a jamais prôné la violence. »

Le 6 mars, l’édile de Dakar avait déclaré sur les marches de l’hôtel de ville qu’il était temps « d’agir et de se battre ». « C’est exactement ce qu’on fait, renchérit Fallou Dieng, 33 ans. Etre dans les rues ne veut pas dire casser, parce qu’après tout ce sont nos biens qu’on détruirait. Nous sommes des militants responsables, comme notre maire. On nous a refusé le droit de manifester, mais nous ne sommes pas allés provoquer le pouvoir. Au contraire, ce sont eux qui ont envoyé ici des policiers en civil, aujourd’hui, alors que c’est une manifestation pacifique. »

Même si la « conférence de presse » s’est achevée sur la chanson de Youssou Ndour, « Sa dolé », qui critique l’usage excessif du pouvoir, elle a dégénéré à la tombée de la nuit. Des violences ont éclaté dans les rues entre les militants et les forces de l’ordre, qui ont fait usage de gaz lacrymogènes et les ont poursuivis jusque dans l’enceinte de l’hôtel de ville. Au bilan : plusieurs blessés et des arrestations.