Joueurs et supporteurs du Stade français sur la pelouse du stade Jean-Bouin, le 13 mars. | CHRISTOPHE SIMON / AFP

Un club de rugby dont on ne connaît ni le nom, ni le maillot, ni les effectifs tentera la saison prochaine de gagner le titre de champion de France de rugby. Tel est le résumé de la conférence de presse donnée lundi 13 mars par les présidents du Stade français et du Racing 92, Thomas Savare et Jacky Lorenzetti. Portant les couleurs de leurs clubs respectifs, ils sont venus présenter leur projet d’union destiné à créer dès la saison prochaine une équipe capable « de gagner à chaque fois ». Mais qui inquiète joueurs et supporteurs.

Un lieu chargé d’histoire ovale avait été choisi pour ce point presse : l’établissement des Jardins de Bagatelle, situé dans l’Ouest parisien, se trouve non loin du lieu qui a accueilli en 1892 la première finale du championnat de France de rugby. Et le Racing Club de France avait alors battu le Stade français, sur le score de 4 à 3. L’année suivante, le Stade français avait été champion à son tour. « Nos clubs ont été les deux premiers champions de France et les deux derniers », a expliqué Thomas Savare, le premier à s’exprimer devant les journalistes. « Il nous fallait un lieu symbolique pour vous annoncer que nous avons décidé d’unir nos forces », a déclaré le président du Stade français.

« Deux entités qui ont 135 années de rivalité »

Il est à l’origine de ce projet. Lorsqu’il en a parlé à son homologue du Racing, sa première réaction a été de se dire qu’il n’était pas possible « de réunir deux entités qui ont 135 années de rivalité. » Mais l’idée a fait son chemin dans la tête de Jacky Lorenzetti qui a ensuite vu l’opportunité de construire « un club référence ». Le sourire en coin, il n’hésite pas à parler d’une sorte de « révélation » : le « saint-esprit du rugby » lui est apparu et lui a fait comprendre que ce « mariage » entre les deux clubs s’imposait. Car il permettra à la nouvelle entité de bénéficier d’un incroyable bassin de jeunes joueurs, du centre de formation du Racing 92, qui sera agrandi et rénové, et de deux enceintes sportives de grande qualité, le stade Jean-Bouin et la U Arena, à Nanterre, qui est encore en chantier.

Thomas Savare, dont le club du Stade français connaît de sérieuses difficultés financières, sera le président du conseil de surveillance de la nouvelle structure, tandis que Jacky Lorenzetti occupera les fonctions de président du directoire. Des présidences qui tourneront tous les deux ans. Ce montage, sur lequel les deux hommes travaillent depuis un mois et demi, va désormais être soumis aux différentes instances du rugby qui vont devoir décider si une seule équipe professionnelle pourra porter la saison prochaine les couleurs des deux clubs. Les autres équipes, notamment dans les catégories jeunes, continueront, elles, d’évoluer sous celles du Racing 92 et du Stade français.

Une annonce « violente et soudaine »

Face aux journalistes, les deux hommes se sont réjouis de constater que le secret avait été très bien gardé. Eux-mêmes se sont chargés, ce lundi, de parler de ce projet de fusion à leurs collaborateurs et aux salariés des deux clubs. Une annonce qui, de l’aveu même de Thomas Savare, a été « violente et soudaine ». Et il espère que les réactions d’incompréhension ou de colère laisseront progressivement place à des sentiments plus rationnels. « Les supporters, on va leur expliquer notre projet », ajoute Jacky Lorenzetti, qui doit les rencontrer dès ce soir. Et il espère aussi que le temps finira par calmer les éléments historiques du club comme le trois-quart centre Henry Chavancy, avec qui il a préféré éviter de discuter ce matin pour éviter de « s’engueuler avec lui ».

Les joueurs qui composent actuellement les effectifs des deux équipes seront durement touchés par ce projet de fusion s’il est mené à terme. « C’est simple, il faut que 45 joueurs plus 45 joueurs donnent 45 joueurs », lâche Jacky Lorenzetti. Et si certains éléments se trouvent en fin de contrat, beaucoup d’autres ne savent pas de quoi leur avenir sera fait. Ils vont essayer d’avoir rapidement des réponses auprès de leurs dirigeants respectifs, sans savoir à quoi pourrait ressembler exactement la nouvelle structure. Son organigramme indique que les responsables sportifs seraient ceux qui entraînent actuellement le Racing 92, à savoir Laurent Travers et Laurent Labit. Deux hommes qui auraient alors pour mission d’aligner une équipe comprenant le plus de joueurs possibles « sélectionnables » pour l’équipe de France.

Pour ces deux entraîneurs, comme pour leurs homologues du Stade français, la fin de saison s’annonce particulièrement délicate, indécise. Une seule certitude, il leur reste un derby à disputer puisque les deux équipes doivent s’affronter dans le cadre de la 25e journée du championnat actuel. Il est prévu pour le dernier week-end d’avril et les deux clubs, ainsi que leurs supporters, devraient alors en savoir un peu plus sur la faisabilité de ce projet.