Denis Podalydès,le 10 avril 2016. | Stephane Lavoue / Pasco

Denis Podalydès, 53 ans, est plus que jamais sur tous les fronts. Son Cyrano de Bergerac, qui lui avait valu le Molière de la mise en scène en 2007, sera repris du 7 juin au 20 juillet à la Comédie-Française, où son Lucrèce Borgia, avec Elsa Lepoivre dans le rôle-titre, se donne jusqu’au 28 mai. Du 5 avril au 7 mai, on le verra aussi dans Bajazet, mis en scène par Eric Ruf. Enfin, il jouera dans Une vie, de Pascal Rambert à partir du 24 mai. Devenu sociétaire du Français en 2000, il a également tourné au cinéma pour son frère, Bruno Podalydès, mais aussi pour Arnaud Desplechin, Bertrand Tavernier, François Dupeyron, Michel Deville, Michael Haneke… Et il a publié plusieurs ouvrages, dont Voix off (Mercure de France, 2008, prix Femina essai) et Scènes de la vie d’acteur (Points, 2014).

Quelle époque auriez-­vous aimé connaître ?

1830, peut-être. La bataille d’Hernani. L’explosion romantique. Découvrir un drame de Hugo à ce moment-là.

1894. Batailler pour Alfred Dreyfus. Etre aux côtés ­de Bernard Lazare, puis d’Emile Zola. Aller aux mardis de Mallarmé. Découvrir ­Debussy, Maeterlinck…

1920. L’après-guerre. Etre ami de Michel Leiris et traverser ces années-là avec lui et d’autres. Rencontrer Jean-Louis Barrault en 1930. Faire du théâtre avec lui.

1945-50 et suivantes. ­Rencontrer Jean Vilar.

1970. Etre étudiant à Vincennes, participer à l’intense vie ­intellectuelle de ces années-là.

Mais c’est encore le présent, le présent d’à présent que j’aimerais mieux connaître…

Une image de notre époque ?

Le visage d’Obama puis celui de Trump.

Un son ?

Le ffuit d’un mail qu’on envoie.

Une expression agaçante ?

« C’est clair ». Habiter « sur » ­Paris ou « sur » Lyon, au lieu d’habiter à… « Philosophie de jeu »… Le « roman national » Celui qui dit cela, a-t-il déjà vraiment lu un roman ? Ou lu un vrai roman ?

Un personnage ?

L’inconnu qui va surgir, encore inconnu, ne sachant pas encore qu’il ne le sera bientôt plus, ou préparant quelque chose, un ­livre, un film, une bombe, ou élaborant un concept, quelque part dans une université, ne sachant pas encore que la pensée, la perception du monde en sera modifiée…

Un livre ou un film ?

Aquarius. Je ne sais pas exactement dire pourquoi. Il dit la beauté du monde, je crois…

Un slogan ?

Jamais un slogan ne m’a fait bouger d’un pas, faire un geste.

Un bienfait de notre époque ?

On reconnaîtra ceux-là – je suis certain qu’il y en a, autant que de maux – dans trente ans.

Le mal de l’époque ?

Comme la liste peut être ­longue, elle est inutile. Toute époque se singularise par ce qu’on déplore en elle, puis ­s’illustre et s’illumine rétrospectivement par la condamnation de la suivante.

C’était mieux avant, quand…

Je déteste a priori tout discours décliniste qui commence par ce genre de phrase.

Ce sera mieux demain, quand…

Je déteste a priori tout discours messianique, qui commence aussi par ce genre de phrase, annonçant les lendemains qui chantent, uniquement parce qu’ils sont précisément demain.