Depuis plusieurs semaines, François Fillon et Marine Le Pen ont fait d’Emmanuel Macron une cible privilégiée. Avec deux stratégies différentes. Si le candidat de la droite doit absolument passer devant l’ancien ministre de l’économie pour espérer survivre au premier tour de l’élection présidentielle, la présidente du Front national semble, elle, déjà préparer le second tour en installant le clivage avec M. Macron, un homme qu’elle aime décrire comme son contre-modèle.

La droite est obnubilée par Emmanuel Macron. Jusqu’à l’excès. Vendredi 10 mars, l’envoi d’un Tweet du parti Les Républicains où l’on pouvait voir une illustration de l’ancien ministre de l’économie dépeint avec les codes antisémites des années 1930 a obligé le parti et le candidat à présenter leurs excuses. Ce qui n’empêche pas François Fillon d’accentuer ses attaques contre le candidat d’En marche !, en cherchant à le faire passer comme l’héritier du quinquennat socialiste. « C’est une sorte d’hologramme de François Hollande en plus jeune », a déclaré l’ancien premier ministre, lundi 13 mars, sur Europe 1.

Les proches de François Fillon misent beaucoup sur les éventuels ralliements de ministres comme Jean-Yves Le Drian ou Ségolène Royal pour faire porter l’héritage à son adversaire. « S’ils le rejoignent, c’est qu’ils sont à l’aise avec lui. Et s’ils le sont, c’est qu’ils se retrouvent dans son projet », a lancé M. Fillon, lors d’un meeting à Besançon, le 9 mars. Une manière pour M. Fillon de se poser en seul porteur de l’alternance.

« Quand les électeurs vont s’apercevoir qu’un second tour Macron-Le Pen aboutira à l’élection de Macron, il y aura aussi un réflexe de vote utile de la droite », espère Eric Ciotti, membre de l’équipe de l’ancien premier ministre.

Pour renforcer sa différenciation, M. Fillon joue sur deux autres tableaux : le programme de M. Macron serait moins « radical » que le sien et l’ex-ministre n’aura pas de majorité à l’Assemblée nationale.

Substituer un autre clivage

Du côté du FN, l’offensive contre l’intéressé est toute aussi virulente, mais vise un autre objectif. En tête dans les sondages, le parti d’extrême droite cherche à installer l’hypothèse d’un duel au second tour avec M. Macron. Et à substituer au clivage droite-gauche un autre clivage, entre « patriotes » et « mondialistes », une dernière catégorie dont l’ancien banquier de chez Rothschild représente une parfaite incarnation aux yeux des frontistes. « Si on est maintenant dans une époque où on fait confiance aux banquiers, tout est possible. On peut aussi confier un pensionnat de jeunes filles à un violeur », a lâché, sur LCI, le député du Gard, Gilbert Collard.

Depuis plusieurs semaines, la formation lepéniste cherche à accréditer l’idée que le candidat d’En marche ! serait « sous influence », qu’il aurait « beaucoup de liens avec le grand capitalisme, les grands médias », pour reprendre les mots de Florian Philippot, vice-président du FN, et représenterait donc l’incarnation parfaite d’un hypothétique « système ».

En promouvant l’idée d’un second tour face à M. Macron, le FN cherche aussi à écarter du jeu LR et à incarner l’élément dominant à droite dans la perspective des élections législatives et d’une éventuelle recomposition de l’échiquier politique. « S’ils [les électeurs LR] sont patriotes, alors ils doivent faire le choix de la candidature de Marine », a notamment lancé David Rachline, le directeur de campagne de Mme Le Pen. Déjà un appel du pied en vue du second tour…