La première ministre britannique Theresa May lors du conseil européen, le 9 mars, à Bruxelles. | DYLAN MARTINEZ / REUTERS

Editorial du « Monde ». C’est triste, mais c’est ainsi : la procédure de divorce est ouverte. La Chambre des communes et celle des lords ont voté, lundi 13 mars, le projet de loi autorisant Theresa May à activer le Brexit – le départ du Royaume Uni de l’Union européenne (UE). Hormis les tabloïds europhobes, bien peu se sont réjouis à Londres. Chacun sait que le plus dur commence. La séparation prendra du temps, sans doute des années, tant les liens entre les uns et les autres sont denses et éminemment profitables aux deux parties. C’est absurde, mais c’est ainsi.

Le vote de la soirée de lundi au bord de la Tamise, qui a vu bien des tragédies sans s’arrêter de couler, permet à la première ministre conservatrice de déclencher l’article 50 du traité de Lisbonne sur la sortie d’un Etat membre de l’UE. Les Vingt-Sept de l’Union doivent se réunir le 6 avril pour un sommet destiné à définir les lignes directrices des négociations à venir avec Londres. Le vote de lundi soir donne quitus à Mme May pour mener au mieux les discussions avec Bruxelles. Celles-ci doivent s’achever d’ici deux ans.

Le vote de lundi était une formalité. Une écrasante majorité des élus – sans doute plus des deux tiers – sont opposés au Brexit, mais ils s’estiment liés par les résultats du référendum du 23 juin 2016 – près de 52 % de Britanniques en faveur du départ de l’UE. Comme si la tâche de Mme May n’était pas déjà assez compliquée, la première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, a fait savoir le même jour qu’elle entendait organiser un deuxième référendum sur l’indépendance de l’Ecosse entre l’automne 2018 et le printemps 2019.

Cauchemardesque

Si le Royaume-Uni sort de l’UE, alors l’Ecosse veut quitter le Royaume. Les indépendantistes ont perdu une première consultation en 2014, mais, à près de 60 %, les Ecossais ont voté contre le Brexit (comme les Irlandais du Nord). La perspective d’un deuxième référendum écossais pèsera sur la négociation du Brexit, tout comme le résultat des élections aux Pays-Bas et en France dans les semaines à venir. A Londres comme à Bruxelles, le sentiment ­dominant est celui éprouvé au moment de sauter dans le vide…

Les Britanniques et les Vingt-Sept ont deux ans pour s’entendre sur trois sujets difficiles. Il y a le chèque que Londres doit signer à l’UE pour solde de tout compte avant de quitter le club. Il y a le statut des trois millions de ressortissants des Vingt-Sept résidant au Royaume-Uni et celui du million et demi de Britanniques installés sur le Vieux Continent (droit de résidence, accès au travail, accès aux soins, aux études, etc.). Il y a, enfin, la nature des relations commerciales, culturelles, scientifiques et diplomatico-militaires que le Royaume entend conserver et développer avec l’UE. L’adjectif qui revient le plus souvent pour qualifier ces discussions tient en un mot : cauchemardesque.

En gros, il s’agit, pour les Britanniques, de partir tout en restant le plus possible. Et, pour les Européens, de garder les Britanniques au plus près, tout en marquant qu’il est plus avantageux d’être dans le club que dehors. Le plus vraisemblable, et le plus souhaitable, est que les deux parties arrivent à un accord-cadre dans les délais impartis, mais que sa mise en œuvre passera par une période transitoire, de cinq à dix ans. Ce qui veut dire que les Britanniques pourraient rester dans un « cadre européen » encore très longtemps. Comme si, en réalité, cette perspective n’était pas si détestable…