Expertise sur le moteur diesel d’un véhicule de la firme de Wolfsburg | West Virginia University / REUTERS

Le dossier des moteurs diesel truqués de Volkswagen ne se résume pas à un long feuilleton judiciaire. C’est aussi un scandale environnemental de première importance, comme l’atteste l’étude publiée vendredi 3 mars dans la revue Environmental Research Letters. Des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT), de l’université de Hasselt (Belgique) et de Harvard y évaluent l’impact sanitaire, en Allemagne, des émissions polluantes réellement générées par les véhicules en cause. Selon ces auteurs, quelque 1 200 personnes décéderont prématurément en Europe à la suite des pratiques frauduleuses du géant allemand de l’automobile.

La publication éclaire un pan jusqu’alors peu étudié de l’affaire révélée en septembre 2015. L’artifice mis en place par le constructeur consistait à équiper les véhicules d’un logiciel conçu pour minorer les chiffres d’émissions de polluants des moteurs diesel lors des tests officiels. Parmi les 11 millions de voitures truquées produites entre 2008 et 2015, les scientifiques ont étudié les 2,6 millions de véhicules vendus uniquement en Allemagne sous les différentes marques du groupe – VW, Audi, Skoda et Seat.

Le panel d’experts évalue les rejets d’oxydes d’azote (NOx) par ces véhicules à 0,85 gramme par kilomètre. C’est 4,7 fois plus que le plafond autorisé par la norme Euro 5, qui fixe la limite à 0,18 gramme par kilomètre pour les modèles homologués à partir de septembre 2009.

Air saturé, santé en danger

En croisant ces calculs avec des informations médicales et démographiques des Nations unies, les auteurs ont ensuite établi un lien entre les données d’émissions hors normes et les impacts sur la santé des citoyens européens. Selon eux, aucun doute n’est permis : « Les émissions produites en excès par rapport aux tests de valeurs limites ont eu un effet significatif sur la santé publique, pas seulement en Allemagne mais à travers l’Europe. »

L’étude étant consacrée aux véhicules allemands, ce pays est logiquement le plus affecté par la fraude, avec une estimation de 500 décès prématurés. Mais les tricheries du constructeur n’épargnent pas les Etats voisins, avec 160 personnes touchées en Pologne, 84 en France et 72 en République tchèque.

« Les décès prématurés sont dus aux émanations accrues d’oxydes d’azote, qui, en se transformant dans l’air, contribuent à la formation de particules fines de diamètre inférieur à 2,5 microns », avance Guillaume Chossière, chercheur au MIT. Certaines d’entre elles présentent en effet un caractère très nocif. En interférant avec le système respiratoire et en pénétrant dans le sang, elles augmentent notamment les risques cardio-vasculaires et aggravent les maladies obstructives pulmonaires chroniques. « Les personnes concernées devraient perdre jusqu’à dix ans de vie », estiment les chercheurs.

Le célèbre logo du constructeur allemand Volkswagen | FABIAN BIMMER / REUTERS

L’étude évoque également le volet économique. Le coût de la fraude s’élèverait à 1,9 milliard d’euros en dépenses de santé et pertes de revenus. L’Allemagne devrait assumer 40 % de ces charges de santé publique, et les pays voisins le reste – car les particules fines et l’ozone peuvent parcourir de grandes distances.

Compte à rebours lancé pour Volkswagen

Depuis la révélation du scandale, 3,4 millions de voitures truquées ont été rappelées, et leurs moteurs corrigés, dont 1,4 million sur le sol allemand. L’étude stipule que les excès d’émissions d’oxydes d’azote auraient pu être contenus à 29 kilotonnes si tous les véhicules concernés avaient été modifiés avant la fin 2016. A l’inverse, ce sont jusqu’à 59 kilotonnes d’oxydes d’azote en surplus qui pourraient être relâchées dans l’atmosphère si tous les rappels n’étaient pas effectués avant la fin 2017.

Le remplacement de l’ensemble des véhicules truqués par d’autres qui respectent les normes européennes, avant la fin 2017, éviterait 2 600 décès prématurés supplémentaires, estiment les auteurs de l’article.

Au-delà du cas Volkswagen, les moteurs diesel, toutes marques confondues, sont désormais dans le viseur des chercheurs. « Nous envisageons de mener des études sur l’ensemble des constructeurs de la norme Euro 6, qui dispose une limite à 0,08 gramme d’azote par kilomètre », promet Guillaume Chossière.