Mieux vaut tard que jamais… diront certains. La ministre de la santé, Marisol Touraine, a annoncé, mercredi 15 mars, dans un entretien au Parisien, la mise en place d’un logo nutritionnel dans les rayons des supermarchés pour améliorer la qualité nutritionnelle du panier d’achat des consommateurs. Ce choix sera fixé par arrêté en avril.

C’est finalement le Nutri-Score qui a été choisi au vu des résultats d’une étude grandeur nature qui a testé durant dix semaines dans soixante magasins quatre systèmes : celui de l’industrie agroalimentaire, celui de la grande distribution, les « feux tricolores » britanniques et le Nutri-Score, un système à cinq couleurs développé par l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (EREN, rattachée à l’Inserm, l’INRA, l’université Paris-XIII et l’hôpital Avicenne).

« Le Nutri-Score apparaît comme le système le plus efficace », concluent ces études, notamment pour « les consommateurs qui achètent les produits les moins chers ». « L’intérêt d’un logo nutritionnel et l’efficacité du logo Nutri-Score sont démontrés », a déclaré Marisol Touraine dans un communiqué.

Une échelle de cinq couleurs

Inspiré du modèle britannique à trois couleurs, le Nutri-Score, également appelé « 5 C », propose une échelle de cinq couleurs (vert, jaune, orange, rose et rouge), en fonction de quatre paramètres : l’apport calorique pour 100 g, la teneur en sucre, en graisses saturées et en sel. Des paramètres également pondérés en fonction du pourcentage de fruits, de légumes, de légumineuses et d’oléagineux.

A propos du code couleurs, Marisol Touraine évoque dans le Parisien, « le vert à l’orange foncé en fonction de la qualité du produit ». Une formulation politiquement correcte pour ne pas évoquer le rouge pourtant bien présent dans le système proposé. Car la plupart des industriels ne veulent pas étiqueter leurs produits de cette couleur, craignant de stigmatiser des aliments, et surtout d’en détourner les consommateurs.

Ils n’ont jamais caché leur hostilité à l’égard du Nutri-Score, dont l’efficacité a été démontrée par des études scientifiques. Ainsi l’équipe du professeur Bernard Ruffieux du laboratoire d’économie appliquée de Grenoble, a publié mercredi une étude réalisée dans un magasin expérimental, auprès de 809 personnes, qui montre, en mesurant l’impact de cinq systèmes d’étiquetage sur les achats, que le Nutri-Score était le plus performant pour un panier plus sain, notamment pour les revenus les plus faibles.

Longue bataille avec les industriels

Le feuilleton de l’étiquetage nutritionnel dure depuis des années. Initialement, le système retenu devait être choisi par décret, après avoir été adopté par la loi de Santé de janvier 2016, qui avait déjà suscité de vifs débats. Dès janvier 2014, le professeur Serge Hercberg, qui dirige l’EREN, avait remis à la ministre de la santé un rapport sur la politique nutritionnelle française, dont le logo était l’une des mesures préconisées.

Mais les industriels s’étaient élevés contre ce dispositif pourtant prôné par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) et validé par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la Santé (Inpes), devenu Santé publique France.

Le jugeant pénalisant, les industriels avaient alors réclamé une étude en conditions réelles d’achat. Une étude qui n’est pas exempte de critiques : conflits d’intérêts dans le comité scientifique, présence des industriels dans le comité de pilotage, mise en place en magasin jugée insuffisante… Pour autant, « les résultats des études viennent de montrer que le plus pertinent des logos pour aider à manger sainement est le Nutri-Score », répond la ministre.

Objectifs de santé publique

L’objectif est de rendre plus compréhensibles les informations actuelles, qui ne sont guère lisibles par les consommateurs, et d’inciter les Français à écarter les produits riches en gras, en sel et en sucre, pour lutter notamment contre la progression de l’obésité, qui touche 17 % de la population.

Il reste que cet étiquetage sera facultatif, la réglementation européenne ne permettant pas de le rendre obligatoire, ce que regrette la ministre de la santé. « Je compte sur la pression des consommateurs, qui demandent à être informés, pour que les industriels s’engagent dans cette voie », insiste Marisol Touraine dans les colonnes du Parisien. Six groupes industriels ont d’ailleurs annoncé il y a quelques jours la mise en place de leur propre logo.

« C’est une victoire de la santé publique car la bataille a été complexe. Nous avons des éléments qui ne peuvent plus être récusés par les opérateurs économiques », se félicite le professeur Hercberg. Qui espère aussi que la France portera ce dossier devant les instances européennes pour rendre un tel logo obligatoire.