Le Royaume-Uni est venu en force au MIPIM, le marché international des professionnels de l’immobilier qui se tient à Cannes (Alpes-Maritimes) du 14 au 17 mars. Face aux incertitudes liées au Brexit, dont l’article 50 déclenchant sa mise en œuvre doit être activé d’ici à la fin du mois, il veut mettre en avant à Cannes les opportunités créées par cette nouvelle donne politique et économique. Le mot d’ordre : « Invest in great », investissez en grand, et en Grande Bretagne s’entend (jeu de mots).

Les architectes britanniques sont eux aussi venus en nombre. Beaucoup, dont David Chipperfield, Ron Arad ou Egrest West, avaient fait connaître, avant le référendum, leur opposition au divorce d’avec l’Union européenne. Outre la nécessaire prise en compte du nombre élevé de ressortissants de l’UE au sein de leurs équipes (de 40 % à 70 %), cette décision était susceptible, selon eux, de réduire leur activité à l’export en raison des difficultés que leur nouveau statut imposerait. La mise en garde a été vaine.

Selon les prévisions relatives à la charge de travail des architectes, indiquées dans une étude publiée en janvier par le conseil des architectes d’Europe, les agences britanniques devraient connaître une baisse globale de leur activité d’environ 5 % en 2017. Deux ans auparavant, elles avaient engrangé plus de 430 millions de livres (494,5 millions d’euros) sur les marchés extérieurs. Au deuxième rang européen derrière l’Allemagne.

De petits espaces conviviaux

Pour la première fois à Cannes, le gouvernement britannique dispose de son propre pavillon dont il veut faire autant un lieu d’accueil pour investisseurs qu’une vitrine pour les ministères dits « majeurs » du royaume. Parmi les soutiens à cette offensive : le Département pour les collectivités et l’administration locale (DCLG), l’Autorité d’approvisionnement en infrastructures du Trésor, l’Agence pour les habitations et les communautés (HCA), ainsi que le Département des affaires, de l’énergie et de la stratégie industrielle (BEIS).

Londres n’est pas en reste qui accueille sur son stand tout proche le Riba, l’institut royal des architectes britanniques, toujours très actif, et expose au centre de son espace une gigantesque maquette interactive de la ville et de son évolution urbaine. Autour, dans de petits espaces conviviaux, des architectes, très disponibles.

Le Mipim sera l’occasion pour le Royaume Uni de porter sur les fonts baptismaux le Département pour le commerce international (DIT). Lancé par la première ministre, Theresa May, en juillet 2016, moins d’un mois après le Brexit, il est surtout destiné à élaborer des accords commerciaux avec les pays non-membres de l’UE.

L’entrée du Palais des festival lors de l’ouverture du MIPIM le 14 mars 2017 | YANN COATSALIOU / AFP

L’institution qui, dès juillet, prendra en charge le programme Commerce et investissement au Royaume-Uni (UKTI), met en avant au Mipim, à travers un ensemble de maquettes d’immeubles réalisés sur l’ensemble de la planète, certaines agences d’architecture exportatrices du pays dont celles d’Eric Parry Architects, de Rogers Stirk Harbour + Partners, de WilkinsonEyre et de Marks Barfield.

Le gouvernement de sa Majesté n’est pas seul à Cannes pour vanter l’attractivité de l’Outre Manche. La promotion à l’étranger de l’expertise architecturale anglaise s’accompagne de l’ouverture du marché intérieur. Aux côtés de Londres, d’autres villes (Manchester, Liverpool, Leeds, Sheffield, Glasgow ou Cheshire…) ont aussi planté leurs tentes près de la Croisette.

« Rite de printemps » 

« Le Mipim, c’est le rite de printemps de la promotion immobilière du monde anglo-saxon », dit en souriant la secrétaire générale d’Architectes Français à l’Export (AFEX), Madeleine Houbart. Ils sont là massivement depuis longtemps. » Elle n’est pas loin de penser que le Brexit permet d’entretenir, cette année, un profitable effet d’annonce. L’association, forte de 200 membres (architectes, mais aussi urbanistes, paysagistes, industriels…), œuvre à la promotion du savoir-faire architectural français dans le monde et distingue tous les deux ans l’œuvre d’un(e) architecte français(e) à l’étranger.

L’AFEX fait partie des organisations qui composent et animent la délégation nationale à Cannes dont l’intitulé du pavillon use d’une opportune formule franglaise : « Architecture (by) France ». Très majoritairement financé par le ministère de la culture et de la communication, il est pris en main par le Conseil national de l’Ordre des architectes (CNOA). Le réseau des maisons de l’architecture est associé à l’initiative ainsi que la Caisse des dépôts et consignations à travers, en particulier, son Lab CDC qui présente des solutions concrètes et innovantes pour transformer le logement social.

Aménagé par un collectif composé de lauréats 2014 du concours des Albums des jeunes architectes et paysagistes (Ajap), le stand, plutôt modeste, est conçu comme une architecture en blanc, prête à toutes les transformations. Des conférences doivent s’y tenir qui seront l’occasion de connaître le travail et les réflexions des lauréats 2016 des Ajap, actuellement exposés à la Cité de l’architecture et du patrimoine, place du Trocadéro à Paris.

Le stand de 80 m2 défendant les couleurs de la France ne pèse pas lourd face aux 220 m2 de celui des voisins allemands. Le premier exportateur européen dans le domaine des projets architecturaux mobilise sur la Côte d’Azur le Ministère fédéral de l’Économie et de l’Énergie (BMWi), l’Association de l’industrie allemande des salons professionnels (AUMA) et la Chambre fédérale des architectes allemands (Bundesarchitektenkammer e.V.).

Retard français

Au Mipim, en matière d’efficacité, le retard français est « une évidence », reconnaît Madeleine Houbart qui salue toutefois – la forte présence du grand Paris n’y est pas étrangère –, l’effort consenti cette année, « considérable par rapport aux années antérieures. » La présidente du CNOA, Catherine Jacquot, rappelle de son côté que « l’architecture française a bonne presse à l’étranger. Le handicap est de ne pas se donner les moyens de la promouvoir. »

Elle se félicite que le ministère des affaires étrangères ait fait le déplacement dans le sud. « L’institution dispose du plus grand réseau diplomatique du monde, dit-elle. On devrait pouvoir s’appuyer sur elle, à travers Business France, par exemple, pour exposer les qualités d’exportation de l’architecture française. » Catherine Jacquot en appelle à une valorisation du culturel, marque de fabrique du « fait en France », dans l’univers économique. « Les architectes ont un rôle particulier dans ce monde, rappelle-t-elle. Ce sont des porteurs de projets qui ont des qualités transversales. Ils pourraient être souvent des fers de lance. »

« Le monde de demain doit être sobre »

La présidente s’interroge : Comment montrer aussi une autre physionomie de l’architecture française ? « Le monde de demain doit être sobre, indique-t-elle. Les jeunes architectes, à l’image des dernières générations d’Ajap, l’ont bien compris. Ils savent optimiser cette problématique. » On est loin du gigantisme urbain tant célébré au Mipim dont les allées devraient voir défiler quelque 23 000 visiteurs, 1500 architectes et 4800 investisseurs.