Fabrication de nacelles pour avions sur le site de Safran à Gonfreville-L'Orcher, près du Havre, le 10 novembre 2016. | © Benoit Tessier / Reuters / REUTERS

Le rachat de l’équipementier Zodiac par le motoriste Safran traverse une mauvaise passe. L’issue pourrait même lui être fatale. Et pour cause ! L’équipementier pour l’aéronautique a annoncé, une nouvelle fois, mardi 14 mars, une révision à la baisse de son objectif de résultat opérationnel courant pour l’exercice décalé 2016-2017. Alors que Zodiac tablait sur une augmentation de 10 % à 20 %, c’est l’inverse qui risque de se produire. Le groupe prévoit désormais un fort recul de 10 % par rapport à l’exercice 2015-2016. Illustration des difficultés récurrentes de l’équipementier, le chiffre d’affaires a reculé de 1,8 % au premier semestre pour s’établir à 2,4 milliards d’euros. « Nous sommes obligés de réviser notre prévision sur la totalité de l’exercice », a été obligé de reconnaître Olivier Zarrouati, président du directoire de Zodiac. Mercredi, l’action chutait de plus de 12 % à l’ouverture de la Bourse.

Sans surprise, c’est encore une fois l’activité d’équipement des cabines, principalement la fabrication de sièges et de toilettes d’avions, qui a pénalisé Zodiac. Les retards de livraison ont fortement pesé sur les comptes, a expliqué l’équipementier. En pratique, Zodiac a été pénalisé par « des surcoûts au premier semestre qui vont être présents sur la totalité de l’exercice. Ils vont lester la totalité de l’exercice », a précisé M. Zarrouati.

Des retards qui provoquent la colère des constructeurs d’avions et notamment d’Airbus, principale victime. L’avionneur européen, qui pousse régulièrement ses cadences de production pour servir ses clients, ne peut tenir les délais de livraison de son dernier-né, le gros-porteur long-courrier A350… faute de toilettes à y installer.

Un revers qui installe le doute

Le nouvel avertissement sur résultats lancé par Zodiac a provoqué un certain émoi chez Safran. Pour le motoriste, ces prévisions revues à la baisse « constituent un fait nouveau par rapport aux éléments disponibles préalablement à l’annonce du projet d’acquisition de Zodiac Aerospace par Safran le 19 janvier dernier », a-t-il immédiatement réagi. Le groupe dirigé par Philippe Petitcolin a toutefois tenu à confirmer « l’intérêt stratégique de l’acquisition de Zodiac ».

Mais le motoriste a tenu à indiquer que si « Safran et Zodiac Aerospace poursuivent leurs négociations exclusives », ils « intégreront dans leurs discussions les conséquences de ces faits nouveaux ». En clair, Safran pourrait ne plus être disposé à dépenser autant. Le 19 janvier, à l’annonce du projet d’acquisition, l’équipementier avait été valorisé 8,3 milliards d’euros, alors que sa capitalisation boursière de l’époque ne dépassait pas 6,7 milliards d’euros. En janvier, ce montant avait provoqué la colère d’actionnaires minoritaires, en particulier le « fonds activiste » britannique TCI. Ce dernier a d’ailleurs réagi très vite mardi, estimant que les derniers chiffres annoncés par Zodiac « confirmaient » sa position sur une opération qu’il juge « sur-payée » et « destructrice de valeur » pour les actionnaires de Safran.

Chez Safran, le nouveau revers de Zodiac installe le doute. L’équipementier n’aurait-il pas minimisé l’ampleur véritable de ses problèmes ? Désormais, il semble que pour conclure « le deal » avec Safran, Zodiac devra en rabattre sur son prix de vente. « Tout est ouvert », fait-on savoir dans l’entourage de Safran. Un échec de l’opération n’est donc pas à écarter. Mais le groupe de M. Petitcolin ne veut pour l’instant pas s’inscrire dans cette perspective. Il s’apprête plutôt à se retrousser les manches. En effet, du côté du motoriste, on estime qu’il faudra « deux ans de travail » pour redresser Zodiac.

Les bénéfices de Safran s’envolent de 21,7 %

Le motoriste Safran se frotte les mains. En 2016, il « a atteint, voire dépassé ses objectifs financiers », s’est félicité, vendredi 24 février, son directeur général, Philippe Petitcolin, à l’occasion de la publication des résultats annuels du groupe français. En 2016, les bénéfices ont progressé de 21,7 % pour atteindre 1,8 milliard d’euros. Sur la même période, le chiffre d’affaires a cru de 3,9 % pour s’établir à 15,8 milliards d’euros. Le motoriste peut voir l’avenir en rose. Son carnet de commandes, plein à craquer, est évalué à plus de 62 milliards d’euros, contre 59 milliards en 2015. Safran a enregistré les commandes de plus de 11 563 moteurs, notamment le Leap qui doit propulser les versions remotorisées de l’Airbus A320 et du Boeing 737.