Jan Willem Brouwer est historien et chercheur au Centre d’études parlementaires de l’Université Radboud, à Nimègue (Pays-Bas). Il analyse les principaux enseignements du scrutin législatif du mercredi 15 mars.

Comment expliquez-vous le succès de Mark Rutte ?

Il est très relatif : son parti, le Parti populaire libéral et démocrate (le VVD) a perdu quelque 20 % de ses sièges, passant, selon les résultats encore provisoires, de 41 à 33. En des temps normaux, on parlerait d’une défaite car un « grand » parti n’a jamais été aussi petit… Mais évidemment, on constate surtout que son score a empêché le raz-de-marée populiste et c’est, pour beaucoup, un réel soulagement, même si le Parti pour la liberté de M. Wilders est quand même le deuxième du pays.

La coalition sortante a, en fait, perdu 50 % de ses députés, mais M. Rutte bénéficie du fait que c’est son allié, le Parti du travail (PVDA, social démocrate), qui est anéanti. Jamais depuis l’instauration du suffrage universel, une formation n’a subi une défaite d’une telle ampleur.

Comment expliquer ce recul ?

Le PVDA a mené une campagne faible. Il est victime du fait qu’après avoir défendu un programme très à gauche en 2012, façon François Hollande, il a rapidement pactisé avec son « ennemi héréditaire », le VVD, et accepté des mesures d’austérité, de restructuration, d’économies massives dans la santé. Il paie en quelque sorte l’addition.

Comment qualifier la performance de Geert Wilders ?

Il avait 24 sièges en 2010, il en a 20 au mieux aujourd’hui. Il avait l’espoir d’un duel gagnant avec Rutte puisque des sondages lui ont donné jusqu’à 35, voire 40 sièges. C’est pour cette raison que vous et d’autres journalistes se sont tellement intéressés à la situation politique des Pays-Bas. Wilders s’est ensuite rendu invisible durant cette campagne et j’ignore pourquoi.

Après cinq années d’Etat islamique, la crise des réfugiés, le Brexit, l’élection de Trump et un début de démantèlement de l’Etat providence, une telle défaite est assez incompréhensible, relève un éditorial, jeudi matin.

Le phénomène populiste n’est pas durable ?

Le mot-clé de cette élection, c’est l’éparpillement. L’éclatement déconcertant du paysage politique. Et cette évolution concerne aussi les populistes désormais. On a notamment vu apparaître le Forum pour la démocratie d’un intellectuel fumiste, Thierry Baudet. Et on constate la montée de 50 Plus, le parti des retraités, qui n’est pas exempt d’un discours parfois populiste. Ce sont ces formations qui, selon moi, ont surtout entravé la marche en avant du PVV.

Comment Mark Rutte trouvera-t-il une majorité ?

Sans doute avec les chrétiens-démocrates et les centristes réformateurs du parti Démocrates 66. On mentionne aussi les sociaux-démocrates et les écologistes. La position de ces derniers quant à une éventuelle alliance n’est toutefois pas claire. Mais Mark Rutte est souple, a peu de convictions fermes et connaît toutes les mélodies, toutes les chansons… C’est sans doute d’un tel homme que le pays a besoin en ce moment.