Carlos Ghosn, le PDG de Renault, lors de la présentation des résultats 2016 du groupe, à Boulogne-Billancourt, le 10 février 2017. | ERIC PIERMONT / AFP

En industrie comme en politique, dieu qu’il est court le chemin qui sépare le Capitole et ses honneurs de la roche Tarpéienne, d’où les Romains précipitaient leurs condamnés. Un jour au zénith, le lendemain en enfer. Le 10 février, le PDG de Renault paradait, auréolé des plus beaux résultats de toute l’histoire de l’entreprise française.

Des ventes en hausse de 13 % en 2016 pour plus de 3,3 milliards d’euros de bénéfice. Aujourd’hui, le général est pointé d’un doigt accusateur par l’enquête des autorités publiques françaises pour possible tricherie, depuis plus de vingt ans, sur le niveau d’émission de ses véhicules diesel. Bis repetita, cette tragédie ressemble à celle qui a touché Volkswagen à la fin de 2015. Un industriel au fait de sa gloire, fauché par une vilaine histoire de pollution qui, au final, lui coûtera plus de 20 milliards de dollars et a fait chuter son patron.

Un réquisitoire argumenté

L’enquête française suit son cours, comme elle le fait également en Allemagne, et promet d’être longue. Le temps de la justice n’est pas celui du business et Renault n’a pas encore répondu au réquisitoire argumenté des enquêteurs de la DGCCRF.

Les constructeurs automobiles américains ne connaissent pas de relations aussi rugueuses avec leurs autorités locales. Le président Trump vient d’annoncer qu’il allait revenir sur les normes antipollution décrétées par son prédécesseur, ardemment combattues par l’industrie automobile américaine. Elles sont en effet peu compatibles avec l’engouement des consommateurs yankees pour les gros véhicules tout-terrain très gourmands en carburant.

Une question de crédibilité

Le dialogue est aussi très fluide en Italie entre Fiat et les organismes de contrôle qui ont laissé au constructeur de Turin le soin de conduire lui-même ses propres tests démontrant l’innocuité de ses modèles… Est-ce à dire qu’il y aurait deux poids deux mesures pour les industriels en fonction de l’indulgence du pouvoir ? Du moins peut-on dire que les intérêts des industriels, et de l’emploi national, peuvent parfois prendre le pas sur d’autres considérations, notamment écologiques.

Il faut dire que le poids économique de cette industrie – 200 000 emplois directs en France, près de 3 millions aux Etats-Unis –, la sophistication de ses produits, le poids de ses acteurs et de leur implantation sur les territoires en fait, comme disait Barack Obama, « la colonne vertébrale de l’industrie ». C’est aussi le secteur le plus médiatique auprès du grand public.

Pour toutes ces raisons, les enquêtes en cours doivent être aussi intransigeantes et exhaustives que possibles. Car le plus préjudiciable serait de laisser s’installer le sentiment que le mensonge et la tricherie, voire la corruption, sont partie intégrante du système. Une question de valeur et de crédibilité sur le long terme, aussi indispensable à l’avenir de la démocratie qu’à l’efficacité de notre machine économique.