Le groupe Bayer n’a pas commenté les révélations sur les tentatives de Monsanto pour influencer les études sur son pesticide phare, le glyphosate. Après tout, le rachat du semencier américain par le chimiste allemand n’a pas encore eu lieu, et, tant qu’il n’est pas conclu, « les deux groupes évoluent comme deux entreprises différentes » avait d’ailleurs répété Werner Baumann, PDG du groupe allemand, lors de la conférence de presse organisée pour la présentation des résultats annuels du groupe à Leverkusen, le 22 février.

Le dirigeant de 54 ans, aux lunettes rondes et à la froide efficacité, a fait de l’alliance Bayer-Monsanto son projet personnel : c’est lui qui l’a imaginée, étayée et défendue en interne. Lui aussi qui se charge depuis des mois de convaincre toutes les parties prenantes : les actionnaires, les salariés, les autorités de la concurrence, et, bien sûr, les responsables politiques. M. Baumann a ainsi été le premier dirigeant allemand à rendre visite à Donald Trump, mi-janvier, en compagnie du patron de Monsanto, pour lui présenter le bien-fondé de l’opération. Il a insisté sur le caractère « constructif » de sa conversation avec le président américain, jugé « attentif et intéressé par notre vision de l’avenir de l’agriculture. » La fusion serait « en bonne voie » et doit se conclure à la fin de l’année 2017, si les autorités américaines et européennes de la concurrence donnent leur feu vert.

« Des erreurs ont été faites »

Reste bien sûr l’image de Monsanto, véritable risque pour Bayer, jusqu’ici peu associé aux scandales, alors même qu’il est un grand fabricant de produits phytosanitaires et propose le glyphosate parmi ses herbicides. Conscient du danger, M. Baumann s’emploie depuis plusieurs semaines à déminer le terrain. « Bien sûr, des erreurs ont été faites, et elles collent à l’image de Monsanto. Dans le passé, le groupe américain s’est peu donné la peine de nouer le dialogue avec une opinion publique critique », a-t-il reconnu dans le journal allemand Welt am Sonntag du 12 mars. « Il faut remettre les faits au cœur de la discussion. » Gardera-t-il le nom Monsanto après la fusion ? Rien n’est encore décidé : « Pour Monsanto, le plus important est d’avoir la possibilité de développer des produits qui aident les agriculteurs. Sous quel nom cela se fera, c’est secondaire », avait précisé M. Baumann le 22 février.

La question est loin d’être anodine pour le nouvel ensemble, qui deviendra le plus grand groupe agrochimique mondial. Peut-on croire Bayer quand il affirme vouloir « nourrir la population mondiale, en forte croissance », de façon « durable » ? Cette stratégie est précisément la justification de l’alliance avec Monsanto : augmenter les rendements par une plus grande innovation, non plus seulement via des solutions chimiques, mais à toutes les étapes de la chaîne de production, notamment grâce aux solutions numériques, appelées digital farming. « Nous sommes d’avis que nous avons besoin autant de l’agriculture conventionnelle que de l’agriculture biologique », martelait Liam Condon, directeur du département Crop Science de Bayer (science des cultures) lors de la conférence de presse.

« Nous devons augmenter les rendements de façon durable. Nous considérons l’agriculture comme un système où interviennent les semences, la protection de la plante, le sol, dans leurs interactions avec le climat. En optimisant ce système, nous voulons produire davantage qu’en intervenant sur un seul de ces éléments », a-t-il déclaré, sans préciser la place qu’occuperait le glyphosate dans cette nouvelle stratégie.