Jean-Luc Mélenchon, le 8 mars, à Marseille, avec Sarah Soilihi, championne du monde de kick-boxing. | Robert Terzian/Divergence

On savait déjà que Jean-Luc Mélenchon aimait le quinoa, depuis qu’il a donné sa meilleure recette de salade à Gala. On a découvert, le 8 mars, qu’il aime aussi la boxe. À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le candidat insoumis a visité un club marseillais, dans la cité Frais-Vallon. Il a pris la pose devant une palanquée d’objectifs, poings serrés, en compagnie d’une quinzaine de boxeuses. Pas besoin d’être un expert en communication pour comprendre le message (à peine) subliminal : qu’importe les sondages, il reste combatif, prêt à en découdre. Et, par ailleurs, il est à la page. Furieusement tendance.

Depuis les Jeux olympiques de Rio, où l’équipe de France a brillé sur les rings durant l’été 2016, les clubs de boxe ne désemplissent pas. C’est le sport du moment. En réalité, cet engouement s’est amplifié, mais il n’a pas attendu les médailles. La boxe a quitté au début des années 2010 le ghetto dans lequel elle s’était un peu enfermée, avec l’avènement du « white collar boxing » (la boxe des cols blancs), dans les pays anglo-saxons, qui a ensuite essaimé. En quête de frissons et d’encanaillement, des cadres de la City ou d’ailleurs ont commencé à taper dans les sacs ou à se coller des bourre-pifs, en célébrant le noble art, se rappelant probablement ses racines aristocratiques. On se détend comme on peut.

Cogner dans des sacs c’est chic

Si Jean-Luc Mélenchon n’enfile les gants que pour la photo, d’autres hommes et femmes politiques s’y sont d’ailleurs mis pour de vrai, ou à peu près. Est-ce l’effet Sarkozy qui a ringardisé une bonne fois pour toutes le jogging ? En tout cas, galoper à Paris dans le parc Monceau entouré de gardes du corps n’a plus rien d’original. Suer en cognant dans un sac de frappe ou entre les mains de coach personnels est devenu beaucoup plus chic.

Manuel Valls, ainsi, s’y est mis en suivant les conseils de son ami Christian Gravel, ex-conseiller de François Hollande et ancien militaire. Ce dernier a expliqué au magazine GQ il y a trois ans que l’ancien premier ministre avait un « trop-plein d’énergie » et qu’il était sûr que ce sport « lui conviendrait ». Emmanuel Macron, dit-on, a régulièrement tapé du poing, mais il a jeté le gant. Son ancien mentor, Henry Hermand, qui est mort en novembre, a d’ailleurs financé naguère une salle à Paris, le Temple Noble Art. Jérôme Cahuzac, avant l’affaire du même nom, s’entraînait également, trois fois par semaine. Peut-être un exutoire à ses lourds secrets. Rachida Dati partage aussi cette passion, comme Valérie Pécresse. Nathalie Kosciusko-Morizet s’y est mise plus récemment. Benoît Hamon, lui, ne pratique pas, mais il répète volontiers qu’il voue un culte à Mohamed Ali, dont un portrait orne son bureau.

La présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, a découvert la boxe lorsqu’elle était encore au gouvernement, pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. « J’étais ministre mais je rentrais tous les soirs de Paris, jusqu’à chez moi, dans les Yvelines. Je ne voulais pas déménager : j’étais persuadée d’être sur un siège éjectable ! Mais je me sentais fatiguée, je m’endormais. Deux amis m’ont conseillé la boxe », raconte- t-elle. Et elle a très vite accroché : « Ça m’a soulagé du stress, de l’énervement. Et j’imagine que ça permet aux hommes de gérer leur trop-plein d’agressivité », se marre-t-elle.

Un sport de droite ou de gauche ?

Faut-il ainsi voir dans la boxe la représentation symbolique du combat politique, où l’on distribue les « petites phrases » comme autant de bourre-pifs ? C’est tentant. Jean-Marc Mormeck, ancien champion du monde des lourds-légers, devenu en mars 2016 délégué interministériel pour l’égalité des chances des Français d’outre-mer, liste les ressemblances.

« En boxe comme en politique, il faut donner des coups, tout en restant vigilant, en tenant sa garde bien haute. Lorsqu’on frappe, on s’expose. Et parfois, un contre peut être fatal. » Jean-Marc Mormeck

Et, à l’en croire, elles ne se situent pas dans la force brute, mais dans un registre moins attendu : celui de la stratégie, de l’attention, de l’intranquillité. « En boxe comme en politique, il faut donner des coups, tout en restant vigilant, en tenant sa garde bien haute. Lorsqu’on frappe, on s’expose. Et parfois, un contre peut être fatal », explique-t-il. En soulignant une autre similitude entre le noble art et le milieu qu’il fréquente désormais : il faut du « physique » et de la « concentration ». Une question rhétorique se pose souvent pour le rugby, dans un vieux débat intranchable. Est-il de droite ou de gauche ? À l’appui de la première thèse, grosso modo, le côté élitiste, l’exaltation de la force, et cette particularité qui veut que l’on gagne toujours à la limite des règles. À l’appui de la seconde, la nécessaire solidarité entre les joueurs et un règlement à rallonge. Et la boxe ? « Il n’y a pas une boxe, mais des boxes. Sur un ring, il y a ceux qui travaillent en souplesse, en faisant courir leur adversaire. Il y a ceux qui ont besoin d’aller en découdre frontalement, mano a mano. Enfin, il y a ceux qui pratiquent la boxe des élites, en tapant dans un sac qui ne rend pas les coups. La gauche, la droite, le centre. À vous de voir qui est qui… », s’amuse Jean-Marc Mormeck.