Série documentaire sur Planète+ à 20 h 55

A l’origine, le topos (topoï au pluriel) désigne un lieu commun du discours, un thème littéraire qui devient un poncif. Aujourd’hui, le terme s’est un peu émancipé. Et derrière le « topoï » – puisque la notion ­plurielle semble perdue en chemin –, c’est un lieu commun plus collectif qu’on entend ; comme une amorce de mythe que se crée une société pour synthétiser les réalités nouvelles qu’elle observe.

Pointant les phénomènes contemporains qui marquent notre quotidien, sans être toujours clairement, sinon perçus, identifiés et analysés, la série documentaire imaginée par Olivier de Bannes et Martin Legros promet ainsi d’interroger le running et le selfie, l’homme ­providentiel et Houellebecq, grand amour et Big Data… En référence assumée à ces « mythologies » que Roland Barthes catalogua au cœur des années 1950 et dont les cinquante éclats parurent en recueil en 1957.

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A soixante ans de distance, l’exercice reste piquant et l’écriture télévisuelle un challenge pertinent. Les seuls continuateurs notables – le linguiste et sémioticien Jean-Marie Klinkenberg composant de Petites mythologies belges (2003, 2009) et le critique Jérôme Garcin orchestrant un collectif Nouvelles mythologies pour fêter le demi-siècle du livre de Barthes (2007) – ayant en effet conserver la forme strictement littéraire.

On peut s’étonner du choix des deux premiers volets proposés, « Comment ça, pétasse ? » et « La barbe ». Féminin et masculin interrogés dans un balancement suspect au lendemain de la célébration des droits des femmes… Si l’étude de la bimbo, malgré son rythme et son énergie, provoque un certain malaise, le paradoxe recherché prônant la pétasse comme une icône de l’émancipation des femmes, l’image d’une forme suprême de pouvoir – on hallucine de voir Kim Kardashian enrôlée au côté de Jeanne d’Arc ou George Sand ! –, le documentaire sur l’identité masculine lue à travers le goût du poil, hirsute ou domestiqué, est plus subtil.

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Certes, le goût de la formule choc, avec le décoiffant balancement entre « le hipster et le salafiste », dit la même quête du sensationnel. Mais la multiplicité des pistes empruntées (mieux suivies et avec plus de finesse que dans le volet précédent), la mise en forme tonique, la vivacité du commentaire font bien augurer de ce pari télévisuel qui gagnera peut-être à mettre sa pertinence, réelle, au premier plan, sans se croire tenu de faire de l’épate à tout prix. A suivre vraiment…

Topoï, coécritepar Olivier de Bannes et Martin Legros (Fr., 2017, 8 x 50 min).