Des élèves entrent dans le lycée Saint-Joseph à Concarneau, dans le Finistère, jeudi 23 mars. | FRED TANNEAU / AFP

Morgane « a tout vu ». Déambulant, mercredi 22 mars, avec des camarades de classe sur le pont de Westminster, à Londres, la jeune fille de 16 ans, scolarisée au lycée Saint-Joseph de Concarneau (Finistère), a vu un véhicule foncer sur le trottoir, fauchant sur son passage trois garçons scolarisés en classe de seconde dans son établissement. « Elle a vu ses amis blessés, elle a vu le terroriste sortir de la voiture », raconte la mère de Morgane, qui participait à un voyage scolaire, réunissant 92 élèves, dont une cinquantaine ont assisté à l’attaque.

Cet attentat, revendiqué depuis par l’organisation Etat islamique, a causé la mort de trois personnes, selon le dernier bilan, dont un policier poignardé devant le Parlement britannique. L’assaillant a ensuite été abattu alors qu’il se ruait sur un deuxième policier.

« Eloigner les séquelles »

Vingt-neuf personnes, dont sept dans un état critique, restaient hospitalisées jeudi matin. Quelques heures après l’attaque, un responsable de la préfecture du Finistère avait annoncé que parmi les blessés figuraient trois élèves de ce lycée breton, dont deux gravement touchés, avec des fractures lourdes, sans que leur pronostic vital soit engagé.

Ces derniers, rejoints par leurs parents à Londres, restent hospitalisés sur place, alors que leurs camarades de classe ont été rapatriés jeudi. « On a organisé leur rapatriement par avion », a déclaré Juliette Méadel, la secrétaire d’Etat chargée de l’aide aux victimes. Avant leur rapatriement, certains élèves ont été entendus ou réentendus par la police britannique, a fait savoir l’entourage de Mme Méadel.

Des policiers devant l’entrée du lycée privé Saint-Joseph de Concarneau, dans le Finistère, le 22 mars. | SANDRA FERRER / AFP

Alors que des psychologues francophones ont assisté à Londres les élèves choqués, une cellule locale de soutien aux victimes, composée notamment de pédopsychiatres et de psychologues, sera activée dès leur retour en Bretagne. « Ce sont des lycéens, ils sont jeunes. La prise en charge psychologique, si elle se fait tout de suite, permet d’éloigner les séquelles », a estimé la secrétaire d’Etat.

« Il a vu ses camarades percutés par la voiture et j’imagine que, psychologiquement, cela doit être un choc et qu’il ne doit pas être très bien », imagine Isabelle Calvez, la mère de Kilian, à qui son fils a écrit le texto suivant au moment des faits : « On a vu la voiture percuter un groupe. A vingt secondes, c’était nous. »

« Ce qui s’est passé peut arriver à tout le monde »

Au lycée Saint-Joseph, à Concarneau, une ambulance s’est installée jeudi matin dans la cour intérieure. Une cellule psychologique a d’ores et déjà été mise en place dans l’établissement, où les cours ont été maintenus, même si la majorité des professeurs ont préféré échanger avec leurs élèves au sujet du terrorisme.

Le maire de la ville, André Fidelin et le préfet du Finistère, Pascal Lelarge, se sont par ailleurs rendus sur place dans la matinée. L’évêque de Quimper, Mgr Laurent Dognin, s’est lui aussi rendu sur place pour « soutenir » les élèves. Les professeurs « ont tous pris un petit temps au début de leur cours pour échanger » avec les élèves et ceux qui ont choisi de rencontrer les psychologues « se sont exprimés sans stress particulier » et « n’étaient pas du tout dans un esprit de haine », a rapporté le prélat à l’AFP.

« On n’a pas fait classe. De toute façon, on n’avait pas la tête à ça », confie une adolescente du lycée, interrogée par 20 Minutes. Quentin, élève en seconde, a fait le choix, lui, de discuter avec des psychologues :

« Ce matin, on nous a dit qu’on pouvait voir des psychologues si on en avait besoin. J’y suis allé. On nous a expliqué comment oublier, comment vivre avec ça. »

Dans cet établissement de 1 500 élèves, endeuillé lors des attentats du 13 novembre par la mort d’une ancienne élève au Bataclan, tout le monde connaît, de près ou de loin, les trois victimes de l’attaque de Londres. Avant le début des cours, les élèves de Saint-Joseph recensaient les camarades de classe présents lors de ce voyage scolaire organisé chaque année, comme autant de « j’aurais pu y être ».

« J’ai été choqué comme tout le monde et triste en apprenant la nouvelle », confie Kylian, 16 ans, interrogé par l’AFP aux portes de l’établissement devant lequel sont postés quatre policiers. Je me dis que ce qui s’est passé peut arriver à tout le monde. »

Le choc, le soulagement et la colère

« C’est vraiment horrible. Je n’ai pas les mots pour dire ce que je ressens », lâche Chloé, lycéenne en terminale littéraire, elle aussi questionnée par l’AFP peu avant d’entrer dans l’établissement. « J’ai eu une fille au téléphone qui était là-bas. Elle était en pleurs et vraiment choquée. Ils sont choqués. Vraiment tous choqués. Moi aussi je suis choquée. J’ai eu la peur de ma vie », assure la lycéenne aux longs cheveux bruns, alors que de nombreux élèves préfèrent ne pas s’exprimer.

« Il y avait des amis dans le groupe, donc on a eu hyper peur », témoigne Victoire, élève de première scientifique, avant de s’engouffrer dans le lycée. « On a hâte qu’ils rentrent. On les a eus au téléphone et ils nous ont dit qu’ils avaient hâte de rentrer. Cela va les choquer pour toute leur vie », poursuit la jeune fille, ressortie du lycée à 9 heures, une heure plus tard.

« Ils nous ont fait un discours pour nous dire que leur pronostic vital [des trois élèves blessés] n’était pas engagé ; donc on est soulagés. »

Chez d’autres, ce n’est pas le soulagement qui domine, mais la colère. « Jai la haine contre ce terroriste, leur voyage a été gâché par un pauvre con », lâche Enzo, interrogé par France Bleu. Tom, qui aurait dû être à Londres avec ses camarades, partage le même sentiment : « Je n’avais pas envie d’y aller, et je suis content de ne pas y être allé. (…) Je ressens de la colère envers ces gens qui massacrent des gens qui ne leur ont rien fait. »