Des véhicules et des passants sur le pont de Westminster après sa réouverture au public jeudi après-midi. | Tim Ireland / AP

Au lendemain de l’attentat de Westminster qui a fait trois morts et une quarantaine de blessés à Londres, les choses semblaient reprendre leur cours, jeudi 23 mars. Devant le Parlement, qui se réunissait à nouveau jeudi matin, la première ministre britannique, Theresa May, a qualifié l’attentat d’« attaque contre la liberté », tout en appelant les Britanniques à rester déterminés face au terrorisme :

« Hier, un acte terroriste a tenté de réduire notre démocratie au silence. Mais aujourd’hui, nous nous réunissons comme à notre habitude, comme les générations précédentes l’ont fait avant nous et les futures générations continueront de le faire, afin de délivrer un message simple : nous n’avons pas peur et notre détermination ne faillira pas face au terrorisme. »

« Si la population doit rester très vigilante, elle ne doit pas et ne sera pas intimidée par cette menace », a réaffirmé Mme May.

Jeudi matin, la police londonienne assurait d’ailleurs que la routine avait regagné la capitale. « Business as usual », comme l’avait prédit un parlementaire, les Londoniens semblaient avoir gardé leurs habitudes, les métros étaient toujours bondés et les employés rejoignaient, à l’accoutumée, leurs bureaux d’un pas pressé.

« La police protège toutes les communautés du Royaume-Uni »

L’attaque a été revendiquée jeudi midi par l’organisation Etat islamique (EI), une enquête terroriste avait déjà été ouverte la veille par la police britannique. Avant même l’annonce de cette revendication, le journaliste du Guardian Simon Jenkins appelait à ne pas tomber dans le piège tendu par les terroristes :

« Son but [à l’assaillant] a bien pu être de répandre la peur, de tester la robustesse de la démocratie et, si possible, de lui faire changer de comportement. Notre réponse à ces incidents ne doit pas être une réaction exagérée. »

Et au journaliste de dénoncer les propos « quasi hystériques » des politiques et médias européens après les attaques terroristes de Paris puis de Bruxelles. Des mots comme « panique », « menace », répétés en boucle à la radio, le président François Hollande déclarant que « c’est toute l’Europe qui est frappée », en passant par les propos toujours plus violents de Donald Trump : « l’EI n’aurait pas pu demander plus grand porte-voix », assure M. Jenkins.

Preuve que les Londoniens ne sont pas prêts à se laisser abattre, le patron de l’antiterrorisme, Mark Rolley, lançait dès mercredi soir un message d’apaisement aux différentes communautés du pays, assurant que la police continuerait à les protéger : « Nous sommes conscients que les communautés musulmanes vont s’inquiéter à présent, étant donné le comportement de l’extrême droite dans le passé, et nous continuerons à travailler avec tous les leaders communautaires dans les prochains jours. »

« Il est vital que la société reste calme et unie »

Parmi les réactions, des proches d’anciennes victimes de terrorisme ont tenu à s’exprimer dans la presse. C’est le cas de Mike Haines, frère de l’otage britannique David Haines décapité par l’EI en Syrie il y a trois ans. « Au milieu de la douleur et de la peine que nous ressentons tous en ce moment, il est vital que la société reste calme et unie », affirme-t-il au Times. « Le terrorisme, sous toutes ses formes, cherche à répandre la peur et à nous diviser. Face à ce mal, nous devons nous tenir côte à côte, avec la conviction que nous sommes plus forts quand nous sommes ensemble. »

Réagissant lui aussi avec flegme, Brendan Cox, veuf de la députée britannique Jo Cox assassinée par un extrémiste de droite en 2016, fait le même constat sur la radio BBC4 :

« Ce que les terroristes souhaiteraient, c’est que nous nous divisions et que nous commencions à blâmer des groupes de personnes, en disant que cela reflète en quelque sorte les musulmans ou l’islam dans son ensemble. On doit se souvenir que la personne qui a fait cela n’est pas plus représentative des musulmans britanniques que la personne qui a tué Jo ne l’était des gens qui viennent du Yorkshire. (…) L’une des raisons pour laquelle des gens font ces choses horribles c’est la notoriété. Et je préférerais largement me souvenir des héros de cette histoire. »

Des héros, l’éditorialiste du Guardian, Jonathan Freedland, en a quelques exemples. Pour lui, ceux qui voient habituellement Westminster comme l’incarnation d’un pouvoir déconnecté de la population auraient dû assister aux scènes de « bravoure et de simple humanité » qui se sont emparées du lieu mercredi. Il dresse alors une liste des scènes qu’il faudrait retenir :

  • « la rapidité avec laquelle la police et les urgences coururent vers le danger quand l’instinct humain aurait fait fuir la plupart d’entre nous » ;
  • « l’aide apportée par des gens ordinaires à d’autres gens ordinaires blessés à terre sur le pont de Westminster » ;
  • Tobias Ellwood qui, « n’importe quel autre jour, aurait été vu comme un simple député conservateur » mais a choisi d’aller faire du bouche-à-bouche au policier poignardé devant le Parlement ;
  • cet agent de sécurité qui a apporté un plateau de thé aux agents de police qui montaient la garde.