Des officiers de police devant une école, à Bordeaux, en septembre 2016. | MEHDI FEDOUACH / AFP

C’est une peur dont on parle peu même si elle est partagée au sein de la communauté éducative : celle de voir la violence, sous ses formes les plus diverses, faire irruption dans les établissements scolaires. Violence terroriste, alors que les écoles sont placées en état d’alerte depuis les attentats de 2015. Violence du fait divers qui s’invite, parfois, en milieu scolaire – comme la fusillade au lycée de Grasse (Alpes-Maritimes), le 16 mars. Violence, parfois aussi, que revendique une frange de la jeunesse, de blocus en manifestations, pour dire sa colère contre l’institution.

« Sans verser dans la rhétorique du tout-sécuritaire, les chefs d’établissement ont au quotidien le souci de la sécurité », fait valoir Philippe Tournier, secrétaire national du SNPDEN-UNSA. Les résultats de l’enquête que son syndicat – majoritaire parmi les chefs d’établissement – devait divulguer, jeudi 23 mars, sont « révélateurs de l’importance prise par cette question », explique-t-il.

Menée du 6 au 9 mars, elle a récolté 2 130 réponses, dont les deux tiers dès le premier jour. Les commentaires rassemblés reflètent autant la sensibilité du sujet qu’une évolution des mentalités. « Si l’on m’avait dit il y a dix ans que je ferais vérifier l’identité de tous ceux qui rentrent au collège, j’aurais souri, observe tel principal. Pourtant, aujourd’hui, cela m’apparaît comme une nécessité. » « On nous demande de résoudre ces problèmes de sécurité qui nous dépassent, alors que nous ne sommes pas formés, note tel autre. Je me sens seul et démuni ! »

Contrôle des accès

La configuration des lieux, alors que nombre d’établissements des années 1950 aux années 1990 ont été conçus comme ouverts sur l’extérieur, est abordée sans phare : deux tiers des proviseurs (64 %) estiment sans surprise qu’elle ne favorise pas la sécurité. Le ratio atteint 76 % en lycée professionnel – des bâtiments polyvalents souvent édifiés sur des campus, à l’image des universités, et « très difficilement contrôlables », relève M. Tournier.

Autre problématique qui découle de la première : celle, tout aussi sensible, du contrôle des accès. 84 % des principaux et proviseurs déclarent disposer d’un système le permettant ; à 76 %, celui-ci est « manuel » et s’exerce « dans la loge ». Les bâtiments à qui ce contrôle fait défaut sont plutôt situés en zone rurale. Les systèmes dits modernes – visiophones, interphones, badges – demeurent peu répandus. Quant aux portiques parfois envisagés par des villes ou des régions essentiellement de droite – Nice, Ile-de-France, Auvergne –, l’enquête n’en fait tout simplement pas état.

Sur les dispositifs d’alarmes, pas de surprise : après quarante ans de politique d’équipement, la quasi-totalité des établissements en disposent pour signaler les incendies ; mais une majorité n’a pas de dispositifs d’alerte de confinement (55 %) ou d’intrusion (60 %), que le contexte post-attentats a pourtant rendus obligatoires.

Obligatoires, les exercices « attentat-intrusion », selon la terminologie officielle, le sont aussi devenus depuis la rentrée. Les ministères de l’éducation et de l’intérieur avaient plaidé pour qu’ils soient réalisés au plus tôt. Il semble qu’ils aient été écoutés. « Lycées et collèges sont probablement les lieux les mieux préparés du pays », fait valoir le porte-parole du SNPDEN. Près de 9 établissements sur 10 (88 %) avaient déjà réalisé, début mars, l’exercice simulant une intrusion ; une plus faible part, celui de confinement. Dans plus de 9 cas sur 10, l’entraînement s’est correctement passé.

« Anticipation et formation »

Voilà pour les chiffres. Les commentaires apportent de la nuance. Comme celui de ce proviseur qui relève la « confusion des équipes relative au flou de la conduite à tenir ». Ou un autre qui souligne que « les élèves n’ont pas vraiment joué le jeu ».

Les deux tiers des établissements signalent la présence des forces de l’ordre à proximité de leurs locaux – ce sont elles à 58 %, plus que les rectorats ou les collectivités, qui apportent de l’aide aux collèges et lycées. « Une question doctrinale doit être tranchée, conclut M. Tournier : soit on multiplie les systèmes de contrôle, soit on mise sur l’anticipation et la formation. L’un n’interdit pas l’autre, mais on ne peut pas s’adosser uniquement à la technologie pour régler tous les problèmes. » Le SNPDEN revendique, entre autres, une formation des personnels à la « gestion de crise » – que le gouvernement a lancée – ainsi que l’affectation d’agents de sécurité aux abords des établissements.