M. Voronenkov et son épouse, Maria Maksakova, ont tous deux été députés de la Douma russe jusqu’en septembre 2016. | DMITRY DUKHANIN / REUTERS

Denis Voronenkov, un ex-député russe réfugié en Ukraine et recherché par la Russie pour « escroquerie », a été tué par balles, jeudi 23 mars, dans le centre de Kiev, a annoncé la police de Kiev, la capitale ukrainienne, à la télévision.

Vers 11 h 30 heure locale (10 h 30 à Paris), « une fusillade a eu lieu devant l’hôtel Premier Palace, une personne est morte, deux ont été blessées et sont hospitalisées », a déclaré Andreï Grichtchenko, le patron de la police de Kiev, interrogé par la chaîne 112 Ukraïna. « Je confirme que c’est Denis Voronenkov », a-t-il poursuivi, avant de préciser que la piste d’un assassinat commandité était retenue par les enquêteurs.

Le président ukrainien, Petro Porochenko, a estimé qu’il s’agissait-là d’un acte de « terrorisme d’Etat » commis par les Russes. « Voronenkov avait été l’un des principaux témoins de l’agression russe contre l’Ukraine et, en particulier, du rôle de Ianoukovitch en ce qui concerne le déploiement de troupes russes en Ukraine », a-t-il ajouté. Le Kremlin a rejeté des accusations en les qualifiant d’« absurdes ».

Les premiers résultats de l’enquête établissent que l’ex-député est sorti de l’hôtel « avec son garde du corps » et qu’« un inconnu a ouvert le feu », selon un communiqué de la police de Kiev. Le tireur, blessé dans la fusillade, a été arrêté. Il est à l’hôpital.

La personnalité de la victime rend l’affaire complexe, voire confuse. M. Voronenkov et son épouse, Maria Maksakova, ont tous deux été députés de la Douma russe jusqu’en septembre 2016 – lui pour le Parti communiste, elle pour Russie unie, la formation au pouvoir. Ils avaient tous deux échoué à se faire réélire, et avaient pris la fuite pour Kiev, en octobre 2016, avant de se voir accorder la nationalité ukrainienne.

M. Voronenkov avait rendez-vous à Kiev avec Ilia Ponomarev, ex-député de la Douma, exilé après avoir refusé de voter l’annexion de la Crimée.

Un home politique russe « tout à fait typique »

Dans un entretien accordé, en février, à la presse ukrainienne, Denis Voronenkov se livrait à une féroce critique du régime de Vladimir Poutine, le comparant à celui de l’Allemagne nazie. Il assurait également avoir témoigné dans le dossier pour trahison d’Etat visant l’ex-président ukrainien Viktor Ianoukovitch, exilé en Russie depuis février 2014.

L’ancien député expliquait son départ par la crainte de représailles de la part de responsables corrompus du FSB, les services secrets russes, qu’il aurait contribué à essayer de faire chuter en collaborant à des enquêtes contre eux.

Depuis sa fuite, le parquet russe avait lancé un avis de recherche à son encontre, l’incriminant d’un accaparement de biens immobiliers remontant à 2011. Ses anciens collègues ont aussi unanimement dénoncé une « traîtrise » dans le choix de s’installer à Kiev.

Le très sérieux quotidien russe Novaïa Gazeta, cité par Courrier international, a toutefois dressé un portrait plus nuancé de M. Voronenkov, qui apparaît pour le moins comme un personnage trouble :

« Jusqu’à récemment, Denis Voronenkov avait la réputation d’un homme politique russe tout à fait typique : un modeste salaire qui ne l’empêchait pas d’avoir des actifs disproportionnés ; des sociétés offshore dans les îles Vierges britanniques ; des dossiers judiciaires avec des protecteurs très haut placés. Bref, presque comme tout le monde. Ses interventions publiques ne laissaient pas de doute sur son entière loyauté vis-à-vis des autorités russes. »

Ce n’est pas la première fois qu’un meurtre est commis en plein jour dans le centre de Kiev. En juillet 2016, le directeur exécutif du site Ukraïnska Pravda, Pavel Cheremet, lui aussi de nationalité russe, est mort dans l’explosion de la voiture qu’il conduisait. Ce site d’information est l’un des médias ukrainiens les plus critiques vis-à-vis des pouvoirs politique et économique.