Philippe Poutou, candidat du NPA, à Paris, le 22 mars. | CHARLES PLATIAU / REUTERS

Pour la première fois, c’est en candidat parrainé que Philippe Poutou s’est présenté devant ses militants. Avec 573 paraphes en sa faveur, il pourra participer au premier tour de l’élection présidentielle. Et c’est avec un enthousiasme nouveau qu’il a été accueilli jeudi soir par le public de la salle Jean-Baptiste Clément de Saint-Ouen.

Et pourtant, sa campagne aurait pu prendre fin vendredi 18, date limite de dépôt des parrainages. Cette fois-ci plus encore que d’habitude, le Nouveau Parti anticapitaliste a dû batailler pour obtenir l’appui des 500 élus requis. « On a été inquiets jusqu’au bout, raconte Jean-Marc Bourquin, membre de l’équipe de campagne. Mais on a finalement reçu 65 parrainages au cours des derniers jours. Je pense que certains maires ont fini par nous aider en voyant qu’on risquait de ne pas passer le cap. »

Ce cap, le candidat du NPA l’a finalement passé et c’est sous les acclamations d’une salle comble qu’il monte à la tribune. « Poutou ! Poutou ! Pour tout renverser ! », scande un groupe d’étudiantes au fond de la salle. L’organisation avait prévu quelque deux cents places assises mais elles ne seront pas suffisantes. La venue du candidat a suscité un vrai engouement et les retardataires s’installent comme ils peuvent. C’est un public jeune qui est venu découvrir le programme du NPA ; il y a dans la salle plus d’étudiants que d’ouvriers de l’usine PSA de Saint-Ouen. Mais Philippe Poutou ne va pas s’en plaindre ; les jeunes d’aujourd’hui sont les travailleurs de demain.

« Un ouvrier candidat ? C’est pas possible ! »

Si le monde ouvrier n’est pas majoritaire dans la salle, il est présent à la tribune. Ghislaine Tormos, ouvrière à l’usine PSA de Poissy est venue témoigner de son combat syndical tout en affirmant son soutien au candidat NPA. « Quand je parle de Philippe Poutou à mes camarades ouvriers qui ne le connaissent pas, ils disent toujours : “Quoi ? Un ouvrier candidat, c’est pas possible !” Il faut leur montrer que non seulement c’est possible mais c’est aussi ce qu’il nous faut ! » Convergence des luttes oblige, la tribune accueille aussi d’autres acteurs venus témoigner de leurs combats quotidiens : Anasse Kazib, cheminot et délégué syndical, Elise Lecoq, enseignante dans le 93 et Nathan, jeune étudiant et travailleur précaire. Ces différents invités multiplient les constats alarmistes sur un marché du travail précarisant, stressant. Avant de laisser la parole à Philippe Poutou.

Le candidat expose alors ces solutions, celles que le NPA défend depuis plusieurs années. Interdiction des licenciements, temps de travail hebdomadaire à 32h, désarmement de la police : autant de mesures qui interpellent, parfois critiquées pour leur aspect utopique. « Mais la question n’est pas de savoir si nous désarmerons les policiers en arrivant au pouvoir. Nous n’arriverons probablement pas au pouvoir, concède Philippe Poutou. Mais nous considérons aussi cette élection comme une tribune, nous avons cinq semaines de campagne pour faire connaître nos idées. » On pourrait alors réduire la démarche de Philippe Poutou à une candidature de témoignage, mais le candidat s’en défend : « En fait, nous voyons plus loin que cette élection présidentielle. Notre ambition est de provoquer un changement complet de société. »

« De l’argent, il y en a ! »

Après un discours de près d’une heure, Philippe Poutou, qui a enchaîné les phrases à un rythme effréné, reprend son souffle sous les acclamations. Les slogans du NPA sont repris en chœur à travers la salle : « De l’argent, il y en a, dans les poches du patronat ! » Le meeting est globalement un succès. Le NPA entend d’ailleurs multiplier ce type d’événements : Besançon, Lille, Rouen, Nantes, etc, la plupart des grandes villes françaises verront passer Philippe Poutou. Mais dans l’assistance, tout le monde n’a pas été conquis. « Je partage les constats et j’aime bien les idées de Poutou, explique Vivien, étudiant, mais je ne sais pas si je voterais pour lui, peut-être plutôt pour un autre candidat de gauche. »

Mais Philippe Poutou peut s’appuyer sur un argument que les autres candidats de gauche n’ont pas, il incarne une candidature ouvrière. Salarié d’une usine Ford à Blanquefort, près de Bordeaux, Philippe Poutou est le moins fortuné de cette présidentielle, comme les récentes déclarations de patrimoine des candidats l’ont établi. « Ça a toujours été notre ligne au NPA de présenter des candidats qui travaillent. Olivier Besancenot était facteur. Philippe Poutou est ouvrier, rappelle Jean-Marc Bourquin. Et comme les hommes politiques sont de plus en plus déconnectés de ce que vivent les Français, le fait d’avoir un candidat qui connaît leurs difficultés joue en notre faveur. » La situation professionnelle de Philippe Poutou est même révélatrice des difficultés du monde ouvrier en France ; l’usine de Blanquefort dans laquelle il travaille a été plusieurs fois menacée de fermeture. Il est le seul candidat à la présidentielle qui risque de perdre son emploi.