Depuis une dizaine d’années, la chanteuse et actrice ­Nathalie Joly fait vivre, par des spectacles et des disques, la mémoire artistique d’Yvette Guilbert (1865-1944). Vedette des cafés-concerts à la fin du XIXe siècle, longue silhouette immortalisée par Toulouse-Lautrec (1864-1901), elle imposa des choix de chansons graves, troubles, réalistes, poétiques, quand l’époque voulait de l’amusement et de la gaudriole. Elle était « la plus moderne des chanteuses d’antan », écrivait ­Véronique Mortaigne dans Le Monde du 25 décembre 2009.

Après Je ne sais quoi, évocation de la correspondance de la chanteuse avec Freud, En v’là une drôle d’affaire et son parlé-chanté novateur, voici Chansons sans gêne, troisième spectacle de la trilogie que Nathalie Joly consacre à Yvette Guilbert. Créé en 2015, passé par Avignon en 2016, il est programmé jusqu’au 27 mars à la Vieille-Grille, petite salle parisienne qui ­accueille régulièrement la chanteuse, accompagnée pour ­l’occasion du pianiste Jean-Pierre Gesbert, dans une mise en scène de Simon Abkarian.

Terrifiantes, fantaisiste ou polissonnes, les chansons empruntent un vaste registre

Dans ce troisième épisode, Yvette Guilbert est âgée de 60 ans, elle donne des conférences, transmet l’art de l’interprétation, tourne dans quelques films, se produit dans un dernier concert à Paris, en 1938… Chansons et textes y sont assemblés. Nathalie Joly dit son aînée, ses réflexions sur sa vie ­artistique, la séduction, la place des femmes dans un monde d’hommes, l’âge. Pas de pathos, mais de l’ironie et des mots tranchants. Les chansons empruntent à un vaste registre : terrifiantes histoires (Blues de l’absinthe, dont le personnage central vit « dans la crainte de son ignoble partenaire », L’Enfermée, dont la porte ne sera ouverte que le jour de son enterrement), fantaisies (Nous nous plûmes), polissonneries (Les Amis d’monsieur, pitoyables coqs devant « la petite bonne »), portraits sensibles (A présent qu’t’es vieux, Fleur de berge).

Le pianiste est autant le musicien, le confident que le spectateur de Joly/Guilbert. La chanteuse, par son expressivité vocale, ses variations de timbre dans une même chanson, ses rages et ses caresses, donne pleine vie aux paroles. Dans l’intimité de la petite salle, les mots et mélodies s’imposent. En arrière de la scène, quelques projections, ombres de personnages d’un ­univers totalement du présent. La trilogie sera présentée au ­Théâtre du Soleil, du 28 septembre au 22 octobre.

Chansons sans gêne, Nathalie Joly - Mise en scène Simon Abkarian
Durée : 01:55

La Vieille-Grille, 1, rue du Puits-de-L’Ermite, Paris 5e. Samedi 25 mars, à 18 heures, dimanche 26, à 17 heures et lundi 27 à 20 h 30. De 12 € à 20 €.