A Dakar en 2016. | Alexandre Mouthon

Depuis quelques mois, le Sénégal ne parle que d’énergie solaire. Le gouvernement s’est fixé comme objectif d’atteindre 20 % d’énergies renouvelables en 2017 dans son Plan Sénégal émergent (PSE). Fin 2016, le président Macky Sall a inauguré deux centrales solaires coup sur coup : Senergy 2, à Bokhol, dans le nord du Sénégal, produisant 20 mégawatts (MW), puis Malicounda, avec une puissance supérieure de 22 MW.

Or le pays revient de loin. De si loin qu’il aurait pu être, dans les années 1960 et 1970 déjà, le leader du renouvelable qu’il veut incarner aujourd’hui. Mais il aurait fallu que la volonté politique tienne bon. Je me suis passionné pour ce sujet et vous propose un pèlerinage géographique et photographique en forme d’épopée solaire dans un pays où 60 % de la population rurale et 20 % de citadins n’ont toujours pas accès à l’électricité.

De fait, il y a cinquante ans, le Sénégal était à l’avant-garde. C’est sur son territoire que des pionniers de l’énergie expérimentèrent des pompes solaires thermiques. Dès les années 1970-1980, la production d’énergie solaire aurait été viable au Sénégal.

Rêve industriel

Cette redécouverte revient à Frédéric Caille, maître de conférences de sciences politiques à l’Université de Savoie. En juillet 2015, il a retrouvé la trace de Jean-Pierre Girardier, pionnier du solaire thermodynamique en Afrique et témoin exceptionnel de cette histoire oubliée, à qui l’université Cheikh Anta Diop de Dakar allait consacrer en mai 2016 une partie de ses journées d’étude « Du soleil pour tous. L’énergie solaire : un droit ? Des droits ? Une histoire ? Regards croisés France-Sénégal ».

Jean-Pierre Girardier, 82 ans aujourd’hui, était docteur en physique de l’université de Dakar dès 1963. Dix ans plus tard, il créait la Société française d’études thermiques et de l’énergie solaire (Sofretès) au terme d’expérimentations à Dakar avec le soutien du CNRS et de la coopération française. La décennie suivante verra l’installation d’une dizaine de pompes solaires thermiques dans des villages pilotes du Sénégal, puis d’une centaine dans le monde, notamment au Mexique. Malgré les succès et des partenaires puissants (Sofinnova, l’Anvar, le CEA, Renault, Total-CFP, Alsthom), ce rêve industriel se brisera en 1983 sur les vicissitudes politico-économiques sénégalaises et les grandes options énergétiques du moment. L’aventure reste consignée dans un petit livre d’entretien, L’homme qui croit au soleil, paru en 1979 aux éditions du Cerf.

Un potentiel solaire quasi illimité

Ce séminaire à l’université de Dakar a été une vraie machine à remonter le temps. J’y ai croisé de jeunes chercheurs africains stupéfaits de découvrir une histoire qu’ils ignoraient. Entre deux époques et deux continents, les avancées précoces de l’ingénieur, chercheur et entrepreneur Jean-Pierre Girardier parlent aujourd’hui comme une métaphore, à la croisée des occasions manquées et du futur d’une Afrique « durable » qui reste à construire.

Car le potentiel solaire du Sénégal est quasi illimité, à l’instar des pays de la zone sahélo-saharienne. En témoigne le programme solaire sénégalais pour 2017 : Santhiou Mékhé (région de Thiès), Kahone (région de Kaolack), Sakal (région de Louga) et Dias (région de Dakar). A cette production solaire d’un total de 934,5 MW s’ajoutera le futur parc éolien de Taïba Ndiaye. Mais cette réalité ne doit pas faire oublier que le Plan Sénégal Emergent du gouvernement comporte aussi, malgré une vive opposition, la construction de quatre centrales à charbon, énergie sale s’il en est, d’une puissance combinée de 975 MW. Une émergence au goût amer pour les populations déjà en première ligne du réchauffement climatique.

Retour vers le futur, ou l’histoire oubliée du solaire au Sénégal

Alexandre Mouthon est un photographe et chercheur indépendant. Il collabore régulièrement avec la revue de géopolitique www.diploweb.com.