Lors d’une manifestation anti-OGM, en mai 2016 à Paris. | JOEL SAGET / AFP

En matière de biotechnologies, il n’y a rien à faire, l’Europe bégaie. Lundi 27 mars, les Etats membres de l’Union européenne ne sont pas parvenus à s’entendre, lors d’un comité d’appel, sur un vote crucial concernant la culture de trois maïs OGM. Ils s’étaient déjà divisés sur ce sujet controversé il y a deux mois, et ce, malgré l’entrée en vigueur d’une nouvelle législation censée mettre fin à des années de blocage et de manœuvres en coulisses. Faute d’accord, la balle est maintenant dans le camp de la Commission, qui soutient la culture de ces trois organismes génétiquement modifiés. Mais face à l’opposition d’une large partie de l’opinion publique et des gouvernements, elle pourrait décider de faire marche arrière.

Le vote concerne le renouvellement du permis du maïs MON810 de Monsanto, seule plante transgénique aujourd’hui cultivée sur le sol européen (à l’exception des Etats qui interdisent toute culture des OGM), et l’autorisation à la culture de deux nouveaux maïs génétiquement modifiés, le TC1507 de DuPont Pioneer et le Bt11 de Syngenta.

Pour être autorisées ou au contraire définitivement rejetées, ces plantes transgéniques nécessitaient une majorité qualifiée, c’est-à-dire le vote de 55 % des Etats membres représentant 65 % de la population. Si les pays anti-OGM ont été plus nombreux que les pro, ils ne sont pas parvenus à rassembler suffisamment pour atteindre ces seuils : 14 Etats se sont opposés au MON810 (deux de plus qu’en janvier, le Portugal et l’Italie) tandis que 8 lui ont été favorables (et 6 abstentions) ; 16 pays ont voté contre les nouveaux maïs (6 pour et 6 abstentions). La France, devenue le fer de lance de la lutte contre les plantes transgéniques, s’est de nouveau prononcée contre, de même que l’Autriche, la Hongrie ou la Pologne. A l’inverse, l’Espagne, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas comptent dans les rangs des pro-OGM.

« Technologie défaillante »

« Il n’y a pas de soutien politique ou public pour les cultures génétiquement modifiées. Même les agriculteurs n’en veulent pas, juge Mute Schimpf, chargée de campagne alimentation aux Amis de la Terre Europe. Il est temps pour le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, de débrancher définitivement cette technologie défaillante et de se concentrer sur la façon dont nous rendons l’agriculture résistante au changement climatique, dont nous sauvons les fermes familiales et dont nous arrêtons la destruction de la nature. Il est temps de passer à autre chose. »

Pour la militante, les trois maïs « posent des risques pour l’environnement » car ils produisent une toxine dans toutes leurs cellules, feuilles, racines et pollen « qui nuit à un ravageur spécifique du maïs mais aussi à d’autres organismes comme des papillons ».

« Lors de son élection, le président Juncker a promis une prise de décision plus démocratique. Ce vote ne laisse aucun doute sur le fait que l’approbation de ces cultures génétiquement modifiées briserait cette promesse. Une majorité de gouvernements, de parlementaires et d’Européens s’y opposent, et les deux tiers des pays européens interdisent la culture des OGM sur leurs terres », abonde Franziska Achterberg, chargée des questions alimentaires à Greenpeace Europe, dans un communiqué.

Un seul OGM cultivé en Europe

Avec ce vote, la Commission européenne espérait pourtant sortir de l’impasse. Elle est en effet à l’origine d’une nouvelle directive, entrée en vigueur en avril 2015, qui permet aux Etats membres de demander l’interdiction de la culture d’OGM sur leur territoire pour des motifs de politique agricole, d’aménagement du territoire ou des conséquences socio-économiques. Dix-sept pays de l’Union les ont bannis de la sorte ainsi que quatre « régions » (Ecosse, Pays de Galles, Irlande du Nord et Wallonie). En contrepartie de cette liberté à l’échelle nationale, Bruxelles espérait empêcher les blocages au niveau communautaire et ainsi accélérer la mise en culture de semences transgéniques sur le sol européen. Une sorte de donnant-donnant.

Car aujourd’hui, le MON810, maïs vedette du géant Monsanto, est le seul OGM cultivé en Europe pour l’alimentation humaine et animale – depuis 1998. Avec 136 000 hectares plantés, il représente toutefois moins de 1 % des terres arables européennes, un chiffre qui ne cesse de baisser année après année. La quasi-totalité est issue d’Espagne (129 300 hectares), devant le Portugal (7 100 ha), puis, de manière infinitésimale, la Slovaquie et la République tchèque (respectivement 112 et 75 ha), selon les chiffres de l’association Inf’OGM.

Depuis, toutes les tentatives d’introduire d’autres semences transgéniques pour la culture ont échoué face à l’opposition des Etats. L’Europe avait seulement donné son feu vert, en 2010, à la pomme de terre transgénique Amflora, mais son producteur allemand, BASF, en a stoppé le développement en 2012.

L’an dernier, la Commission a donc remis sur la table deux dossiers, qui attendent depuis des années. Tout d’abord, le maïs TC1507 – rendu tolérant à une famille d’herbicides et à un insecticide –, pour lequel Pioneer (filiale de DuPont de Nemours) a déposé une demande d’autorisation en 2001. En 2013, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé, dans un arrêt, que la Commission avait été trop lente dans la gestion de la demande d’autorisation et lui a enjoint de poursuivre la procédure. Ensuite, le maïs BT11, produit par Syngenta, attend, lui, depuis 1996. C’est maintenant à Bruxelles de trancher.