Le ministre béninois de la défense, fort soutien du président Patrice Talon au sein du gouvernement, a annoncé, lundi 27 mars, avoir remis sa lettre de démission, créant la surprise dans un contexte politique tendu en raison de la volonté du président de réformer la Constitution.

« Face aux derniers développements de l’actualité politique dans notre pays, j’ai décidé de remettre ma démission du gouvernement », a écrit le ministre Candide Armand-Marie Azannai sur sa page Facebook, sans apporter plus de précision. Le président Talon a convoqué l’Assemblée en session extraordinaire pour voter un projet de réforme constitutionnelle qui prévoit notamment un mandat présidentiel unique et fait polémique.

La lettre a été présentée au président de la République Patrice Talon tôt lundi, explique le ministre : « J’ai prié M. Patrice Talon (…) d’accepter ladite démission », écrit M. Azannai.

Soutien du président

Ancien député, Candide Armand-Marie Azannai avait été également ministre sous l’ancien président de la République du Bénin, Boni Yayi, avant de se rallier à l’opposition contre celui-ci, soutenant la candidature de l’actuel chef de l’Etat, Patrice Talon, au pouvoir depuis le 6 avril 2016.

Le nouveau projet de Constitution – l’un des arguments de campagne de Patrice Talon – prévoit notamment une discrimination positive en faveur des femmes dans le monde politique, un financement public des partis, mais également la mise en place d’un mandat présidentiel unique, actuellement de six ans, une mesure historique sur le continent africain et qui suscite la controverse. En tout, sur 160 articles de la Constitution du 11 décembre 1990, 43 sont modifiés.

Le président Talon avait convoqué le Parlement dès le vendredi 24 mars en session extraordinaire pour voter cette nouvelle réforme, certain de pouvoir faire valoir sa forte popularité à l’Assemblée moins d’un an après son élection. Toute modification de la Constitution doit être approuvée soit par référendum, soit par un vote des quatre cinquièmes de l’Assemblée.

Pourtant, les 83 députés béninois – qui ont adopté le budget 2017 à l’unanimité – ont rejeté le caractère urgent du vote, lors d’une première convocation le 24 mars. Un premier revers pour M. Talon : l’examen du texte se fera selon la procédure plénière normale.

Pas de vote par référendum

La perspective que la réforme ne soit pas soumise à référendum, l’opacité des textes, mais aussi l’idée d’un mandat présidentiel unique font débat au sein du pays. Si les partisans du mandat unique y voient le moyen de ne pas être soumis à la pression des électeurs pendant son mandat, et donc de ne pas recommencer une campagne dès son élection, d’autres estiment que le risque est que « le chef de l’Etat n’aura de comptes à rendre à personne », selon un député de l’opposition.

Lundi, l’Union nationale des magistrats du Bénin (Unamab) a organisé une manifestation pour exiger le retrait du projet, qui « porte atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire », selon son président Michel Adjaka. Les magistrats dénoncent notamment une clause du texte qui permet à des représentants du gouvernement de siéger au sein du Conseil supérieur de la magistrature. Avant cette marche de protestation, d’autres organisations et mouvements, de même que des acteurs de la société civile et des universitaires avaient invité les parlementaires à rejeter ce projet du gouvernement.