Dix-huit prévenus, membres ou sympathisants du groupuscule néo-nazi WWK, comparaissent depuis lundi devant le tribunal correctionnel d’Amiens. | FRANCOIS LO PRESTI / AFP

« On n’avait rien d’autres à faire, alors on allait se battre. » Au premier jour du procès des dix-huit membres du groupuscule d’extrême droite White Wolves Klan (WWK), lundi 27 mars, s’est dessiné le portrait d’un groupe d’individus désœuvrés, dont l’idéologie nationaliste servait bien souvent de prétexte à leurs pulsions violentes.

Le tribunal correctionnel d’Amiens a quatre jours pour juger trente-cinq infractions, commises entre 2012 et 2014, dans les environs de Ham (Somme). Les chefs d’accusation sont nombreux, dont association de malfaiteurs, vols aggravés, violences, séquestrations et tentative de meurtre.

Assis sur le banc des prévenus, en retrait des autres, Serge Ayoub, alias « Bastskin », assure qu’il « ne comprend pas » ce qu’il fait là. Vêtu d’une chemise blanche et d’un costume bleu, la figure tutélaire de l’ultra-droite, âgée de 52 ans, comparaît pour complicité de violences aggravées. L’ancien chef de Troisième voie une organisation dissoute un mois après la mort du militant d’extrême gauche Clément Méric en juin 2013 à Paris – dont le look impeccable tranche avec les tatouages, polos et crânes rasés des autres prévenus, est suspecté d’avoir commandité le tabassage d’un groupe rival, qui l’avait qualifié de « sale juif ».

Culte du IIIe Reich

Les représailles se jouent le 8 décembre 2012, à Estrées-Mons, dans le huis clos du garage de Jérémy Mourain, à l’époque représentant des Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR) de Picardie – qui créera plus tard le WWK lors de la dissolution de son groupe en juin 2013. A la barre, les sept prévenus présents ce soir-là reconnaissent l’agression d’une des victimes à coups de pied, de chaînes de moto et de couteau.

Concernant le décorum du garage, tapissé de drapeaux néonazis et de portraits d’Adolf Hitler, les prévenus sont peu loquaces, semblant considérer que cela participe au folklore. « Nous, on est racistes, donc c’est pour ça qu’on a mis des drapeaux comme ça », justifie Kévin Pate, qui explique l’être devenu à cause de « complications au collège ». De l’idéologie néonazie, il en sera peu question le reste de cette journée d’audience, où les infractions se multiplient à la barre – « des bêtises », commises dans « l’euphorie » de soirées sous l’emprise de la cocaïne ou de l’alcool, détailleront certains prévenus.

Des scellées lors du procès des membres du WWK à Amiens, le 27 mars 2017. | FRANCOIS LO PRESTI / AFP

Si la deuxième affaire abordée par la présidente repose sur l’attaque d’un bar à chicha, Jérémy Mourain, le seul à comparaître détenu, assure que cet acte de vandalisme, survenu en janvier 2013, était « spontané ». Une version contredite par Jérémie Crauser, un prévenu en quête de repentance. « Mourain a eu l’idée d’organiser une activité punitive contre des personnes issues de l’immigration », lâche timidement le grand roux à la carrure massive.

Violence intra-groupe

C’est encore lui qui reconnaît le passage à tabac « gratuit » d’un homme qui venait de discuter avec un forain, en mai 2013. Leur haine des gens du voyage est alors le prétexte d’un déchaînement de violences « bête et méchant ». « Il n’y avait personne à qui chercher des noises. Alors on a acheté des bonbons et on a bu. Après, on a mis les capuches », décrit M. Crauser, avant de détailler l’agression qui a valu deux jours d’incapacité totale de travail (ITT) à la victime. Christopher Letrou, lui, reconnaît avoir « agi en qualité d’animal ».

Pendant les multiples récits d’expéditions punitives, la violence semble se déchaîner avec le plus de force lorsqu’elle s’abat sur les membres de leur mouvance. L’épisode le plus dramatique se déroule en janvier 2014, à Valenciennes, dans le Nord. Cédric F., considéré comme trop proche d’un ancien membre du WWK, n’a pas rendu son bombers. Mourain intime alors à ses membres de le « défoncer ».

Conduit par une dizaine de membres du WWK dans un chemin de terre, il est déshabillé, puis frappé sur toutes les parties du corps, notamment à coups de batte de base-ball dans les testicules. Selon les prévenus, Mourain se serait déchaîné sur la victime avec un air démoniaque, lui enfonçant ses pouces dans les yeux, le mordant, et lui léchant le sang.

A la suite de ce récit accablant, la grande majorité des prévenus se montre fébrile. « Ce soir-là, ce n’était pas l’euphorie qui nous animait, mais la peur de subir le même sort », tente l’un pour justifier ce déchaînement de violence. La deuxième journée du procès doit être consacrée au fonctionnement de groupe, très hiérarchisé, reposant sur des rites d’initiation, et des procédés d’intimidation.