La police congolaise a accusé, lundi 27 mars, une rébellion d’avoir massacré 39 de ses agents au Kasaï, région du centre de la République démocratique du Congo (RDC) en proie à la violence depuis plus de six mois.

Cette accusation survient à deux jours d’un vote prévu au Conseil de sécurité de l’ONU sur le renouvellement du mandat de la Mission des Nations unies pour la stabilisation du Congo (Monusco), très peu présente au Kasaï, alors que la RDC traverse une crise politique, sécuritaire, économique et sociale qui inquiète ses voisins et la communauté internationale.

Lundi, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) a dit redouter que « la situation sécuritaire précaire qui règne en RDC » ne dégénère « très rapidement » et plonge « dans des violences généralisées » un pays dont l’est reste également déstabilisé depuis des années par la présence de nombreuses milices.

Selon le colonel Pierre-Rombaut Mwanamputu, porte-parole de la police, 39 « vaillants policiers » seraient tombés, vendredi matin, dans une « embuscade » tendue par des miliciens de Kamwina Nsapu à Kamuesha, à environ 75 km au nord-est de Tshikapa, capitale de la province du Kasaï.

Ils ont été « enterrés par leurs bourreaux dans une fosse commune », a ajouté l’officier dans un communiqué annonçant que « des dispositions urgentes ont été prises pour mettre définitivement un terme à l’insécurité qui sévit » au Kasaï en mettant « hors d’état de nuire » les partisans de Kamwina Nsapu.

Contacté par l’AFP dans la soirée en vue d’obtenir davantage de renseignements, le colonel Mwanamputu a indiqué ne pas pouvoir répondre dans l’immédiat, étant « en réunion ».

Bâtons et lance-pierres

La rébellion Kamwina Nsapu porte le nom d’un chef coutumier entré en conflit avec les autorités provinciales et le pouvoir central et tué par les forces de l’ordre en août 2016. Elle a été accusée par l’ONU de recruter des enfants et d’avoir commis de nombreuses atrocités.

En face, les forces de l’ordre se voient régulièrement reprocher par les Nations unies de faire un usage disproportionné de la force contre des miliciens armés essentiellement de bâtons et de lance-pierres.

Depuis le début de la rébellion, les violences ont fait au minimum 400 morts. Mi-mars, la justice militaire congolaise a annoncé avoir arrêté sept soldats dans le cadre d’une enquête diligentée après la publication sur les réseaux sociaux d’une vidéo mettant en cause un peloton militaire dans un massacre présumé perpétré au Kasaï-Oriental.

Partie du Kasaï-Central, la province d’origine de Kamwina Nsapu, la contestation a contaminé trois autres provinces, sur fond de misère généralisée dans cette zone enclavée, largement dépourvue d’infrastructures et acquise à l’opposant historique Etienne Tshisekedi (originaire du Kasaï), mort le 1er février pendant des négociations politiques destinées à sortir pacifiquement le pays de la crise provoquée par le maintien au pouvoir du président Joseph Kabila.

« Impasse politique »

Agé de 45 ans, M. Kabila, à qui la Constitution interdit de se représenter, est arrivé au terme de son second mandat le 19 décembre et reste à son poste en vertu d’un arrêt controversé de la Cour constitutionnelle qui l’autorise à se maintenir jusqu’à l’élection d’un nouveau président.

Sous l’égide de l’Eglise catholique, majorité et opposition ont signé le 31 décembre 2016 un accord de cogestion du pays prévoyant d’une part le maintien au pouvoir de M. Kabila jusqu’à l’entrée en fonction d’un successeur devant être élu lors d’une présidentielle censée avoir lieu avant la fin de l’année, et d’autre part la formation d’un gouvernement élargi dirigé par un membre de l’opposition.

Près de trois mois après la signature de l’accord, ce nouveau gouvernement n’a toujours pas été formé et la perspective de la tenue des élections dans le délai prévu par l’accord de la Saint-Sylvestre ne cesse de s’éloigner.

Lundi soir, les évêques catholiques qui assurent la médiation entre les deux parties – qui s’accusent mutuellement de mauvaise volonté – ont constaté une nouvelle fois leur impuissance à les mettre d’accord, sans pour autant jeter l’éponge.

« Les résultats obtenus sont loin de satisfaire les attentes de la population », a déclaré Mgr Marcel Utembi, président de la Conférence épiscopale nationale congolaise (Cenco), en constatant « l’impasse politique [des] discussions » après un nouveau cycle de négociations infructueuses.