Trois fois vainqueurs du Super Bowl, les Oakland Raiders n’ont plus remporté de titre depuis 1983. Ils jouaient à l’époque à...Los Angeles. | Kelley L Cox / USA Today Sports

Jusqu’ici, pour voir du sport à Las Vegas (Nevada), les amateurs devaient se contenter des immenses murs d’écrans des casinos. C’est en train de changer. Lundi 27 mars, les 32 propriétaires de la Ligue nationale de football américain (NFL) ont approuvé à 31 voix contre 1 le déménagement des Raiders d’Oakland en Californie vers la capitale du jeu. Une décision qui intervient près d’un an après la création des Golden Knights, une franchise de la Ligue nationale de hockey (NHL).

Ce déménagement n’a pas grand-chose à voir avec le sport. Mark Davis, le propriétaire des Raiders, était prêt à rester à Oakland à condition d’avoir un nouveau stade pour remplacer le Coliseum datant de 1966. Libby Schaaf, la maire de la ville voisine de San Francisco, proposait de mettre à disposition un terrain pour un stade de 1,3 milliard de dollars mais son offre n’a convaincu ni Davis, ni la NFL. « La NFL est plus qu’une entreprise. Vous devez tenir compte du fait que les équipes professionnelles de football américain sont le sang, la culture et l’identité des endroits où elles jouent », avait plaidé la maire d’Oakland.

Mais dans le même temps, Las Vegas mettait à disposition 750 millions de dollars d’argent public pour la construction d’un stade de 65 000 places flambant neuf de 1,7 milliard, financé également par un prêt de 650 millions de Bank of America et un investissement des Raiders couvrant la somme manquante.

« Je suis fière que nous soyons restés fermes en refusant d’utiliser de l’argent public pour la construction d’un stade », a commenté Libby Schaaf. La mairie de Las Vegas financera sa large subvention avec l’augmentation d’une taxe sur les chambres d’hôtels, considérant ainsi que les touristes, et non les contribuables, paieront pour l’un des stades les plus chers de la planète.

L’image de Las Vegas a changé

La mesure n’a pas plu à Bill Foley, le propriétaire des Golden Knights, qui a financé la T-Mobile Arena, où jouera son équipe à partir de l’automne 2017, intégralement avec des fonds privés : « Nous aurions pu investir cet argent dans notre police, nos pompiers, nos enseignants et en faire les meilleurs du pays. Mais nous allons le dépenser pour les Raiders. »

Mark Davis, le propriétaire des Raiders, heureux après le vote de la NFL validant le déménagement de son équipe le lundi 27 mars à Phoenix, Arizona. | Ross D. Franklin / AP

Le déménagement d’un club d’une ville à l’autre n’a rien d’inédit aux Etats-Unis dont les ligues fonctionnent sur le principe de franchises. Un stade sert souvent de moyen de pression. C’est pour cela que les Rams de Saint-Louis en NFL sont devenus les Los Angeles Rams en 2016. Après 57 ans à San Diego, les Chargers joueront eux aussi à Los Angeles à partir de septembre. En 1979, l’équipe de basket du New Orleans Jazz s’était installée à Salt Lake City tout en gardant son nom. Les Raiders, fondés à Oakland, avaient déjà déménagé à Los Angeles entre 1982 et 1994 avant de revenir dans la Bay Area.

Si le sport professionnel – à l’exception notable des combats de boxe et d’arts martiaux mixtes (MMA) – s’est tenu à distance pendant des décennies de « Sin City », c’est avant tout par peur des paris, légaux dans le Nevada, et du risque d’arrangement de matches. Mais le développement des « fantasy leagues », ces championnats virtuels sur Internet où il est possible de miser de l’argent, ainsi que la légalisation grandissante du jeu à travers les États-Unis ont progressivement atténué les craintes. « Les temps changent », avait écrit en 2016 Adam Silver, le patron de la NBA, la ligue de basket-ball, dans le New York Times.

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L’arrivée de deux équipes professionnelles dans le Nevada doit aussi au changement de statut de Las Vegas passée de ville du péché à destination familiale. Il n’a pas échappé aux ligues professionnelles, soucieuses d’offrir une image positive pour séduire un public large, que l’économie locale s’était diversifiée. Les spectacles, les activités en plein air ou les restaurants de chefs animent désormais le Strip, l’avenue principale de la ville, tout autant que les machines à sous et les tables de black jack.

Un impact économique discutable pour la ville

L’autre caractéristique de Las Vegas qui a longtemps retenu les propriétaires de franchises vient du marché du travail. Une part importante de l’emploi local se concentre dans le tourisme. Les horaires décalés ne collent pas forcément à ceux des matches (la NFL se joue le dimanche). Mais le gouverneur du Nevada, Brian Sandoval, et les autorités de la ville assurent que les 42 millions de touristes annuels compenseront la taille moyenne du marché de la 30e agglomération du pays (2 millions d’habitants).

L’impact économique sur la région fait débat. L’Etat du Nevada promet que la présence d’une équipe de football américain, le sport le plus populaire du pays, attirera 450 000 visiteurs supplémentaires par an, chacun restant en moyenne 3 nuits en ville. Mais Roger Noll, un économiste de l’université de Stanford cité par Slate, estime qu’il s’agit du « pire accord pour une ville » qu’il n’ait jamais vu.

En septembre 2016, un rapport publié par l’institut de recherches Brookings observait d’ailleurs que « de manière récurrente, les études universitaires ne trouvent pas de relation positive entre la construction de sites sportifs et le développement d’une économie locale, d’une croissance des revenus ou de la création d’emplois ».

Le stade de Las Vegas ne sera de toute façon pas prêt avant 2019, conduisant à une situation incongrue. Les Raiders resteront à Oakland au moins deux saisons supplémentaires. Mais les supporters locaux continueront-ils à encourager une équipe qu’ils savent déjà ailleurs ?