Un tigre de Tasmanie empaillé, à l’Australian Museum de Sydney, le 25 mai 2002. | TORSTEN BLACKWOOD / AFP

Des animaux aperçus à l’extrême nord de l’Australie, dans l’Etat de Queensland, pourraient « plausiblement » être des tigres de Tasmanie, nous apprend le Guardian. Des témoignages ont en tout cas poussé les scientifiques à se lancer à la recherche de cette espèce, censée avoir disparu il y a quatre-vingts ans.

Le dernier tigre de Tasmanie connu, ou thylacine, est mort dans un zoo de l’île, le Hobart zoo, en 1936. L’espèce, largement répandue il y a plusieurs milliers d’années, était considérée comme éteinte depuis plus de 2 000 ans sur le continent australien. Elle survivait sur l’île de Tasmanie, située au sud. Le dernier thylacine sauvage aurait été abattu en 1930 par un fermier. L’une des raisons de la disparition complète du tigre de Tasmanie est l’instauration de « primes d’abattage » à la fin du XIXe siècle, car l’animal menaçait les troupeaux de moutons.

Les scientifiques de l’université James Cook ont donc lancé des recherches, sur la base de ces témoignages, pour tenter de retrouver des spécimens de cette espèce considérée comme éteinte. Le professeur Bill Laurance dit avoir recueilli au moins deux témoignages concordants provenant de la péninsule de Cape York, tout au nord du continent. Les témoins sont un employé d’un parc naturel et un campeur habitué des lieux. Ils auraient tous deux donné des descriptions détaillées et plausibles, laissant imaginer la présence de thylacines dans la région.

D’après les descriptions recueillies, les animaux observés la nuit, à la lampe de poche (dont un groupe de quatre approchés de près) n’ont pas les mêmes caractéristiques physiques que d’autres espèces proches, comme les chiens sauvages et les dingos. La localisation exacte des animaux, aperçus dans deux endroits différents de Cape York, ne sera pas révélée.

Le tigre de Tasmanie n’est pas « une créature mythique »

Une chercheuse de l’université James Cook, Sandra Abell, qui supervisera les recherches, a précisé que d’autres témoins s’étaient spontanément fait connaître après que la recherche a été rendue publique. Elle prévoit notamment l’installation d’une cinquantaine de caméras dans la région de Cape York, pour tenter de repérer les précieux animaux. S’ils s’avéraient ne pas être des tigres de Tasmanie, cette observation ne serait pas du temps perdu pour autant : ne correspondant à aucune description connue, les animaux semblent de toute façon appartenir à une espèce rare et potentiellement en danger.

« Il y a peu de chances que nous trouvions des thylacines, précise-t-elle au Guardian. Mais nous collecterons certainement des données sur les prédateurs de la région, et cela reste bénéfique pour nos recherches en général ».

La découverte de tigres de Tasmanie, si elle est peu probable, n’est cependant pas « impossible », précise-t-elle. L’animal n’est pas « une créature mythique » et les témoignages concordent. Parvenir à voir l’animal sur la caméra relèverait néanmoins du « coup de chance », selon cette spécialiste.

Les témoins ont peur de passer pour des fous

Selon le professeur Laurance, les deux témoins se sont par ailleurs montrés « très nerveux » en révélant leurs découvertes, « de peur de passer pour des fous ou pour des marginaux », a expliqué le scientifique. La communauté scientifique reste souvent sceptique face aux signalements de tigres de Tasmanie. Une communauté en ligne de 3 000 membres, appelée « The Thycaline awareness group » (« groupe de vigilance pour le tigre de Tasmanie »), a d’ailleurs été créée pour recueillir des témoignages.

Interrogé en octobre 2016 par le Guardian, son fondateur indiquait que les témoins ayant aperçu l’animal ont surtout besoin de « partager ce qu’ils ont vu sans que tout le monde se mette à rire ». Il regrettait alors d’être le sujet préféré de plaisanteries des scientifiques et prévenait : « le jour où on en trouvera un, ils voudront tous devenir mes meilleurs amis ». La communauté des chercheurs amateurs d’espèces disparues est encouragée par la redécouverte d’une espèce de perroquet, présumée éteinte dans la région de Queensland il y a quatre ans, et observée tout récemment à l’ouest de l’Australie.

Le tigre de Tasmanie fait l’objet de nombreux fantasmes et « fausses alertes » quant à des apparitions possibles. Le fondateur du groupe de vigilance sur le tigre de Tasmanie avance le chiffre de 5 000 signalements ces quatre-vingts dernières années (soit depuis que le dernier d’entre eux s’est éteint au Hobart zoo). Déjà en 2013, une équipe de zoologistes avait affirmé qu’il n’y avait « aucun doute » sur la subsistance de l’espèce. Des recherches ont également été menées pour réaliser des « clones » de tigres de Tasmanie, et même si la technologie n’est pas au point pour l’instant, une séquence génétique a pu être isolée et insérée dans un embryon de souris, en 2008.