Documentaire sur France 2 à 23 heures

Des maisons aux vitres brisées, des murs lézardés, des toits troués, des jardins à l’herbe rare et emplis de déchets ou de gravats… Ce paysage de ruines et d’abandon, esquissé en quelques plans baignés de soleil, Théo, 10 ans, en a fait son terrain de jeu favori. Parfois il est accompagné de Loïc, son grand frère de 15 ans, qui a rebaptisé le quartier « Chicago ». « Avant, dit ce dernier, c’était plus propre, plus convivial, plus happy, que là, c’est la mort. »

Théo et Loïc, ces Enfants du terril qu’ont choisi de suivre Frédéric Brunnquell et Anne Ginztburger – co-auteure et productrice – résident dans le quartier « 12-14 » à Lens (Hauts-de- France). Malgré le vaste plan de réhabilitation de cette ancienne cité minière – inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco –, celle-ci a les allures d’une ville fantôme dominée par les terrils sur lesquels Loïc aime à grimper afin de prendre de la hauteur sur cette vie qui lui échappe. « Quand je monte, je ne pense à rien. Tout le poids – l’école, la vie privée – que j’ai sur le cœur, c’est comme s’il partait dans le vent, avec la vue. » Et ses rêves d’ailleurs.

Harcèlement et insultes

Là-haut, plus rien ne barre l’horizon. Ni sa phobie scolaire consécutive au harcèlement et aux insultes que l’adolescent a subis lors de son entrée au collège et qui l’ont amené à décrocher. Même si l’école tente de maintenir un lien à travers des cours particuliers. Ni la violence des réactions essuyées après avoir révélé dans la cité son homosexualité. Ni la grande précarité dans laquelle il vit avec son frère et sa mère depuis le départ de leur père. De cet homme, les deux garçons ne parlent pas. Seule leur mère évoque, à mots comptés, sa rencontre et la société de peinture qu’ils montèrent avant la rupture. « Après ce fut très dur », dit-elle pudiquement.

Près de Loïc – ou plutôt tout contre lui, comme le suggère Frédéric Brunnquell par sa manière délicatement distanciée de saisir dans les rires, les jeux et les silences, la tendresse qui cimentent le trio –, il y a Théo. Un petit garçon au regard malicieux dont la candeur et l’innocence s’estompent quand il évoque son désir de partir loin de Lens pour réussir ; le café qui a remplacé les céréales ou encore les Restos du cœur dans lesquels se rend sa mère pour améliorer l’ordinaire.

Loïc,15 ans. | © Chasseur d'étoiles

Seule et sans emploi, Patricia s’évertue avec 900 euros par mois à répondre aux demandes de ses enfants, « même si cela se fait avec retard ». A les entourer, les écouter, les aider, malgré l’impuissance douloureuse de ne pouvoir toujours endiguer les angoisses de son aîné, en particulier les jours de plus en plus nombreux où il terre son mal-être dans son lit, la tête sous un plaid.

A l’image du regard que porte le documentariste sur Loïc, dont il parvient à saisir les blessures intimes à travers ses discours parfois tout à trac qui tiennent lieu de commentaire, ses silences, ses regards perdus, ses errances dans le quartier, ses élans poétiques, son corps dansant ou claudiquant sur le chemin de l’école.

Cet élan vital qui porte l’adolescent irrigue – illumine même – ce documentaire qui, sans jamais appuyer le trait, montre la grande précarité et ses effets à travers ce moment fragile de l’enfance.

Enfants du terril, de Frédéric Brunnquell et Anne Ginztburger (Fr., 2016, 55 min).