L’arbitre Felix Zwayer en communication avec le car vidéo avant de valider le deuxième but espagnol, mardi au Stade de France. | Gonzalo Fuentes / REUTERS

Le débat sur la vidéo, bataille d’Hernani du football contemporain, a connu un tournant mardi soir : lors du match amical France-Espagne, disputé au Stade de France, un but a été annulé pour hors-jeu et un autre validé après avoir été refusé, pour hors-jeu également.

Coup de bol : les deux décisions sont allées dans le sens de l’Espagne, qui a dominé la rencontre et mérité de l’emporter 2-0, là où le but inscrit par Antoine Griezmann aurait donné l’avantage à la France. L’attaquant français n’était pas hors-jeu. C’est Layvin Kurzawa, passeur décisif de la tête, qui l’était. Un peu. Un rien, jugez plutôt.

Le Stade de France n’a rien compris. D’abord, il a crié. Griezmann a fait son geste « signature », le public a hurlé son nom à trois reprises, les Français sont revenus dans leur moitié de terrain pour attendre l’engagement. Mais les Espagnols n’ont jamais engagé. L’arbitre était en communication avec le car vidéo. Le Stade de France s’est tourné vers son voisin, d’incompréhension. Puis il s’est tu et, résigné, a à peine sifflé quand l’arbitre, ou plutôt la télévision, a annulé le but. Au total, la scène a duré près d’une minute. Il paraît que le football s’y fera. La première fois, ça fait bizarre.

Haussement d’épaules

Mardi soir, sur les réseaux sociaux, deux camps semblaient s’opposer. Ceux défendant la justice rendue aux joueurs, comme ici le présentateur de Canal Plus, Hervé Mathoux.

Et ceux déplorant un coup porté à l’émotion comme partie du spectacle footballistique, ici les Cahiers du football, farouches adversaires de l’arbitrage vidéo et blogueurs sur LeMonde.fr – ce qui n’a, a priori, aucun lien.

Les premiers arguent que la vidéo a montré, mardi soir, qu’elle pouvait se mettre au service du jeu en rendant le résultat conforme à ce qui se passait sur le terrain – à savoir que l’Espagne avait parfaitement joué le hors-jeu sur le centre de Christophe Jallet et que celui de Jordi Alba était, lui, donné dans un tempo parfait.

Les seconds constatent que l’émotion des supporteurs français a été gâchée et que celle des supporteurs espagnols n’a pas vraiment été. Un cri qui suit un penalty marqué étant déjà moins fort que celui engendré par un but sur action de jeu, laisse supposer que la réaction suivant un but validé par l’arbitrage vidéo se situera quelque part entre le piaillement et le haussement d’épaules.

Au reste, certains s’étonneront que la justice soit devenue prioritaire dans un sport qui, plus que jamais, est gouverné par l’économie et où les inégalités d’argent, perpétuées par la répartition des droits de retransmission télévisée et la libéralisation des transferts, dictent grandement les résultats. Et que la Fédération internationale de football (FIFA) veuille remettre la justice au cœur du jeu ne manquera pas de faire sourire ceux qui la connaissent de près.

Griezmann « ni pour, ni contre »

Lorsqu’il n’y a, semble-t-il, pas de compromis possible, il y a toujours les joueurs de foot. Le discours de zone mixte comparable d’ordinaire à un robinet d’eau tiède passe soudain pour une analyse pondérée. Tel Antoine Griezmann :

« Ce n’est pas déstabilisant mais chiant, parce qu’il faut attendre pour célébrer le but, mais tant que c’est pour aider l’arbitre, tant mieux pour lui. Je ne suis ni pour ni contre, s’ils ont envie de le mettre, ils le mettront. On continuera à jouer au football. Dans les deux cas, il faudra jouer et essayer de gagner le match. »

Ou Hugo Lloris :

« C’est une bonne chose car ça rend les décisions justes. Mais ça peut tuer le ressenti après un but, comme on a pu l’avoir. »

Evidemment, dans l’art de ne donner aucun avis, Didier Deschamps reste le patron de l’équipe de France : « Ca change un peu le football évidemment… C’est en notre défaveur aujourd’hui, mais si on doit en passer par là, ça sera valable pour tout le monde. Aujourd’hui, sans l’arbitrage vidéo, ça aurait été différent mais c’est comme ça, c’est l’évolution du football, il faudra s’adapter. »

Pour l’heure, les acteurs eux-mêmes restent à l’écart de la bataille qui oppose déjà les commentateurs. Il n’est pas sûr qu’il en sera de même lorsque la vidéo sera utilisée lors de matches officiels à fort enjeu. Ce pourrait être le cas dès la saison prochaine.