Big Ben vu de la rive opposée de la Tamise, à Londres, le 29 mars 2017 | JUSTIN TALLIS / AFP

Jusqu’ici, tout va bien. Et même très bien. Alors que nombre d’experts prédisaient un effondrement de l’économie du Royaume-Uni à la suite du référendum du 23 juin 2016 sur le Brexit, le pays a au contraire connu une croissance de 0,6 % au troisième trimestre, puis de 0,7 % au quatrième trimestre 2016. Sur l’ensemble de l’année, la croissance s’est même établie à 1,8 %, un niveau plus élevé que dans la zone euro (1,7 %) et qu’aux Etats-Unis (1,6 %). « L’économie britannique s’est révélée bien plus résiliente que beaucoup l’imaginaient », résume Stéphanie Villers, économiste en chef au sein du groupe Humanis.

Cette insolente santé tient beaucoup à la bonne tenue de la consommation, principal moteur de l’activité dans le pays. Les dépenses des ménages ont ainsi progressé de 0,7 % au quatrième trimestre 2016, soit plus que la moyenne trimestrielle enregistrée depuis début 2013. « La confiance des Britanniques n’a pas été ébranlée par les incertitudes entourant le Brexit, dit Dan Hanson, économiste chez Bloomberg Intelligence, à Londres. Beaucoup sont convaincus que la sortie de l’Union européenne sera une bonne chose pour leur pays. Mais cela tient surtout aux bonnes performances du marché de l’emploi, avec un taux de chômage de 4,7 % seulement. »

« Le paquebot va prendre l’eau »

Cela va-t-il durer ? Rien n’est moins sûr. Depuis juillet 2016, la livre sterling s’est en effet dépréciée de 20 %. « Et elle pourrait baisser encore ces prochains mois si les négociations sont houleuses », estime Véronique Riches-Flores, économiste chez RF Research. Cette chute s’est déjà traduite par une hausse des prix des produits importés : en février, l’inflation a bondi de 2,3 %. « Cela va affecter le pouvoir d’achat, car les salaires, eux, ne progressent pas aussi vite », explique Axelle Lacan, spécialiste du pays chez COE-Rexecode.

Certes, la baisse de la livre regonfle, dans le même temps, la compétitivité des exportations. « Mais cela ne compensera pas l’effet négatif sur la consommation », dit Mme Lacan. D’autant que les ménages sont fragilisés par un endettement élevé, frôlant les 150 % du revenu disponible net. « Maintenant que les négociations vont entrer dans le dur, le paquebot de l’économie britannique va commencer à prendre l’eau », dit Mme Villers.

Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques, la croissance britannique devrait tomber à 1 % en 2018, après 1,6 % en 2017. A plus long terme, l’effet du Brexit dépendra des nouvelles relations définies entre Londres et l’Union européenne : accord de libre-échange généreux, minimal, ou bien absence d’accord et retour aux règles d’échange de base de l’Organisation mondiale du commerce.

Dans une étude sur le sujet, publiée mercredi 29 mars, les économistes de l’assureur-crédit Euler Hermes estiment que le scénario le plus probable est celui d’un accord de libre-échange limité, conclu au mieux dans quatre ans, avec l’instauration de tarifs douaniers de 2 % à 3 % sur les biens. Dans ce cas, le produit intérieur brut britannique ne progresserait que de 0,3 % en 2021, touché par la chute des investissements et des exportations. « Si les négociations sur le sujet échouent, le pays pourrait en revanche enregistrer une récession de 1,2 % dès 2019 », dit Ana Boata, l’une des auteurs de l’étude.