Est-ce que la vigne pourrait disparaître ? « Extinction, non ! Danger d’affaiblissement, sans doute », répond ­Marc-André Selosse, professeur agrégé au ­Muséum national d’histoire naturelle, à Paris. Ce passionné de viticulture n’entend pas passer pour un décliniste. Il ajoute que, si l’année 2016 fut en effet très mauvaise, il faut « faire attention à ne pas prendre des conditions momentanées pour des tendances longues ».

Ecologiste dans l’âme, le scientifique ne nie pas que « le changement climatique pose un vrai problème » pour le vin et ce qu’il deviendra à long terme. Mais, dans l’immédiat, il évoque surtout les « bons et mauvais choix » des vignerons quand il s’agit de planter, d’arracher, de replanter les ceps et de choisir des cépages. « N’oubliez pas que leur but est de fabriquer un bon vin, pas nécessairement une belle vigne. » Marc-André Selosse pointe du doigt le bouturage ­ (clonage des ceps pour les multiplier) « qui a permis de propager le vin dans le monde entier, mais qui a réduit considérablement sa diversité ».

Cépages imposés

Selon le scientifique, cet appauvrissement a été accéléré par la généralisation des porte-greffes après le cataclysme du phylloxéra, qui a ravagé une grande partie du vignoble il y a cent cinquante ans. « Une vigne greffée survit en moyenne vingt-cinq ans, parfois moins, parfois plus, selon la qualité du greffage, explique M. Selosse. Les vignes non greffées peuvent survivre un ou deux siècles, voire plus pour certains pieds. D’ailleurs, il existe quelques vignes en France qui datent d’avant l’apparition du phylloxéra. » Qui sont donc plus résistantes aux maladies que les greffées…

Aussi Marc-André Selosse est favorable à ce que l’on réduise les cépages que l’on a imposés un peu partout sur la planète vin (chardonnay, pinot noir, syrah…), et que l’on remette au goût du jour des « cépages modestes » supposés offrir des « vins rares ». Irait-il jusqu’à suggérer d’abandonner, là où ils déçoivent, les cépages bouturés, et d’aller chercher dans les réserves de vieux cépages ? « Il y a là un réservoir de diversité qui peut permettre de retrouver des goûts anciens ou nouveaux, mais aussi, pourquoi pas, de résoudre des problèmes liés aux bouleversements actuels », reconnaît l’expert en biodiversité.