En 2003, Monaco remportait le dernier de ses titres, une Coupe de la Ligue. | JACQUES MUNCH / AFP

Des joueurs courtisés de toute part, une place de leader en Ligue 1, nantie de la meilleure attaque d’Europe, une qualification en quarts de finale de la Ligue des champions et de la Coupe de France, Monaco réalise pour le moment une saison idéale. Six ans après son rachat par l’oligarque russe Dmitry Rybolovlev, le club de la Principauté a l’occasion face au PSG en finale de Coupe de la Ligue, samedi à 21 heures au Parc OL, de mettre fin à une disette de presque quinze ans.

Les Monégasques n’ont en effet plus rien gagné depuis 2003 et… une Coupe de la Ligue. Cela fait un peu désordre pour un club qui possède l’un des plus beaux palmarès du football français : sept titres de champion de France entre 1961 et 2000, cinq Coupes de France entre 1961 et 1991 et donc une Coupe de la Ligue en 2003, la dernière en date.

En 2010, l’Olympique de Marseille avait déjà profité de ce trophée parfois décrié pour retrouver le chemin du succès, dix-sept ans après son dernier titre : la Ligue des champions 1993. Et en 2013, c’est un autre club mythique qui avait vaincu ses démons : l’AS Saint-Etienne avait fêté sa victoire en Coupe de la Ligue après trente-deux ans de régime sec (titre de champion de France en 1981).

  • L’année 2004, historique mais sans trophée

En 2003, Didier Deschamps, qui a pris sa retraite sportive à Valence en 2001, est le tout jeune entraîneur de Monaco depuis déjà deux ans. Après une première saison difficile, le Basque remporte son premier trophée le 17 mai 2003, en dominant Sochaux 4 à 1, en finale de Coupe de la Ligue.

Avec Patrice Evra, Rafael Marquez, Ludovic Giuly, Marcelo Gallardo ou encore Shabani Nonda, la force de frappe des Monégasques est impressionnante. Malheureusement, la même année, la Ligue 1 leur échappe pour un point après une lutte acharnée avec l’Olympique lyonnais qui enchaîne le deuxième de ses sept titres consécutifs.

Un an plus tard, l’AS Monaco réalise une de ses saisons les plus marquantes mais n’ajoute aucune ligne à son palmarès. Renforcée par l’arrivée de Fernando Morientes, l’équipe de Deschamps se hisse en finale de la Ligue des champions en éliminant le Real Madrid et Chelsea. Las, la défaite en finale face au Porto de Mourinho ne vient pas récompenser ce parcours fantastique (3-0). Pis, après avoir possédé douze points d’avance sur Lyon, Monaco s’effondre et ne termine qu’à la troisième place de Ligue 1.

  • Une lente descente aux enfers

De 2006 à 2010, Monaco fréquente en effet le ventre mou du championnat : 10e, 9e, 12e, 11e et 8e. En 2010, l’ASM échoue en finale de la Coupe de France face au PSG (1-0). L’année d’après, c’est la descente aux enfers avec une relégation en Ligue 2, après une 18place en championnat.

Si Edouard Cissé n’a joué qu’une saison à Monaco, il a été un rouage important de l’épopée européenne. « Presque quinze ans sans rien gagner, c’est long. Mais à leur décharge, Monaco a été relativement proche plusieurs fois. Après le départ de Deschamps, ils ont décliné jusqu’à sombrer pendant deux-trois ans en étant même relégué en Ligue 2 », rappelle le joueur formé au PSG. Monaco connaît même de grosses difficultés financières.

  • Le « renouveau russe »

Au bord du précipice, l’arrivée du milliardaire Rybolovlev permet de sauver le club. Monaco met deux ans à remonter. En 2013-2014, pour son retour en Ligue 1, 130 millions d’euros sont dépensés sur le marché des transferts. « Il a fallu tout reconstruire. Depuis la prise de pouvoir du nouveau propriétaire, le club est sur de bonnes phases. Falcao (60 millions d’euros), James Rodriguez (45 millions d’euros) ou Moutinho (25 millions d’euros) ont été achetés. Puis le fair-play financier a conduit à une nouvelle stratégie. Tout le monde a dit que le projet était alors fini quand les deux Colombiens sont partis… Trois ans plus tard, on voit bien que non », décrit Edouard Cissé.

En effet, depuis le retour dans l’élite, Monaco a su sans cesse se renouveler. L’équipe n’a jamais quitté le podium : 2e en 2014, 3e en 2015 et 3e en 2016. Longtemps contesté pour un jeu jugé trop défensif, l’entraîneur portugais Leonardo Jardim se joue des difficultés d’un effectif souvent remanié pour arriver à l’équilibre parfait de la saison en cours. Monaco et Jardim ne font plus rire personne : 87 buts en 30 matchs de Ligue 1 ; 24 buts en Ligue des champions. « Le nouveau projet a permis un vrai travail de fond. Jardim a trouvé un équilibre d’équipe, des talents purs ont été révélés », admire Edouard Cissé.

  • Peut-on être une grande équipe sans rien gagner ?

Kylian Mbappé, Radamel Falcao et leurs coéquipiers monégasques sont encore en lice dans quatre compétitions avant d’affronter le PSG en finale de Coupe de la Ligue samedi. | Dave Thompson / AP

Ce débat, vieux comme le sport de haut niveau, oppose les romantiques aux pragmatiques. Les défaites glorieuses pullulent dans l’histoire du football. La Hongrie de Puskas et Kocsis sont à jamais les perdants de la finale du Mondial 1954 (3-2 pour l’Allemagne). Les Pays-Bas et leur football total n’ont jamais été champions du monde (finalistes en 1974 et 1978). Les Bleus de Platini sont les éternels héros malheureux de Séville en 1982 (défaite aux tirs au but contre l’Allemagne en demi-finales).

Certains continuent de célébrer ces grandes défaites et y trouvent du panache. D’autres les moquent et se refusent à ne retenir autre chose que les victoires. « Il faut faire le distinguo entre un grand club et une belle équipe. En 2004, on est entré dans l’histoire. Nous étions une belle équipe mais à la fin nous avons été frustrés, car nous n’avons rien gagné. On ne peut pas être un grand club sans rien gagner », estime Edouard Cissé.

Danijel Subasic, Fabinho, Benjamin Mendy, Tiémoué Bakayoko, Bernardo Silva, Kylian Mbappé et Falcao sont prévenus. Leurs discours ont d’ailleurs évolué depuis le début de saison, où la domination écrasante du PSG, qui a remporté tous les titres nationaux en jeu en 2015 et en 2016 (soit huit au total), avait de quoi inciter à la modestie. « Les joueurs n’hésitent plus à revendiquer : On veut gagner des titres. Pour concrétiser et marquer le coup, il faut gagner cette saison », juge Edouard Cissé.

  • L’année ou jamais pour Monaco ?

« Truc de journaliste », tranche Edouard Cissé : « Pourquoi l’année ou jamais ? Si Monaco ne gagne rien cette saison, ça serait dommage, mais ça ne veut pas dire que le club ne le fera jamais plus… »

Oui, mais comment Monaco pourra-t-il digérer les probables nombreux départs qui risquent de se produire à la fin de saison ? Bernardo Silva, Falcao, Benjamin Mendy, Fabinho, Bakayoko et, bien sûr, Kylian Mbappé dont le Real Madrid et le Barça sont déjà accros. « Personne n’est dans la confidence. Vous savez déjà que Mbappé va partir, vous ? En tout cas, tout le monde ne quittera pas le club », objecte Edouard Cissé.

Dernier point de détail, s’il faut gagner quelque chose pour valider l’excellente saison et se voir attribuer le label Grande Equipe, la Coupe de la Ligue est-elle vraiment le trophée à privilégier ? « C’est une finale. Il n’y a que ceux qui n’ont jamais rien gagné qui peuvent mépriser cela. Puis, battre le PSG pourrait créer une dynamique et les mettre dans le doute pour le titre de champion. En 2010, quelques semaines après notre succès en Coupe de la Ligue avec l’OM (Edouard Cissé a joué à Marseille de 2009 à 2011), nous avions été champions de France… » Aux hommes de Jardim de vaincre le signe indien.