La pluie battante aura contraint la poignée de manifestants à remballer plus tôt que prévu, vendredi 31 mars au soir, lors d’un rassemblement improvisé place de la République, à Paris, en hommage à Liu Shaoyao, ce père d’origine chinoise tué au cours d’une intervention de police, le 26 mars. Le rassemblement improvisé s’est dissout dans le calme, contrairement à d’autres, plus tôt dans la semaine.

Les quelques dizaines de manifestants présents étaient toujours partagés entre colère et émotion, cinq jours après ce drame qui a enflamé comme rarement la diaspora chinoise. « Il y a surtout un sentiment d’incompréhension, résume Rui Wang, président de l’Association des jeunes Chinois de France. Ils sont convaincus que les autorités françaises n’ont pas pris la mesure de leur sentiment d’insécurité. »

« Protecteur »

Un certain nombre de manifestants étaient aussi très agacés par la publication, le matin même, dans Le Parisien, d’une note de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) décrivant les coulisses de la mobilisation de la diaspora. Une mobilisation, aux yeux du renseignement intérieur, pilotée d’un côté par les canaux diplomatiques chinois, de l’autre, par des piliers du « milieu » chinois au casier judiciaire chargé.

Au centre du rassemblement, vendredi soir, on pouvait toutefois reconnaître Cao Hua Qin, une des personnalités visées par cette note, et qui organise des milices d’autodéfense à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). C’est notamment de lui qu’est partie la mobilisation, via l’application de messagerie chinoise WeChat. C’est aussi vers lui que les filles du défunt se sont tournées, car l’homme, perçu comme un « protecteur » au sein de la diaspora, est facilement joignable.

Selon plusieurs sources, les premiers contacts entre l’ambassade de Chine à Paris et des protecteurs tels que M. Cao datent de début 2016. La diplomatie chinoise était alors accusée au sein de la communauté de rester passive face aux agressions. C’est en partie pour cette raison qu’elle a vite réagi en début de semaine appelant à « faire toute la lumière sur cette affaire ».

Imbroglio politique et policier

Depuis, ces protecteurs sont montés en puissance. La Chine, qui n’a jamais été opposée à la mobilisation en faveur de Liu Shaoyao, synonyme pour elle de levier à l’étranger, a toutefois fini par s’inquiéter des dérapages violents. Depuis jeudi soir, il n’y a de fait plus eu d’incidents.

Au-delà des tentatives de récupération interne à la diaspora chinoise, le dossier de la famille Liu a fait l’objet d’un suivi attentif des autorités françaises. La famille a notamment reçu, dès le 29 mars, une proposition de rendez-vous au parquet de Paris. La veille au soir, alors qu’un rassemblement avait dégénéré place de l’Hôtel-de-Ville, les forces de l’ordre n’ont procédé à aucune interpellation.

L’enquête de flagrance se poursuit actuellement. Les trois gardiens de la paix de la brigade anticriminalité qui étaient sur les lieux du drame le 26 mars ont été une nouvelle fois entendus par l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), vendredi 31 mars. Selon nos informations, peu d’éléments à charge contre le policier qui a tiré ont toutefois été réunis jusque-là. Il n’a d’ailleurs pas été entendu sous le régime de la garde à vue.

Selon Me Calvin Job, l’un des avocats de la famille, deux des enfants de Liu Shaoyao ont pourtant été témoins directs du drame. Mais les premières constatations ont relevé que la lumière était éteinte. Aucune trace de poisson n’a en outre été relevée sur les ciseaux brandis par le père de famille. Ses enfants affirment que leur père cuisinait à ce moment-là.

Face à l’imbroglio politique et policier qui prenait de l’ampleur, vendredi 31 mars, après révélation de la note de la DGSI, le candidat d’En marche !, Emmanuel Macron, a annulé à la dernière minute une visite prévue auprès de la famille. Son service de presse a défendu qu’il avait des « contraintes d’agenda ».