Dans Mossoul, le 3 avril. | ANDRES MARTINEZ CASARES / REUTERS

Nous l’appellerons Mohammed. Ce sexagénaire de Mossoul a sauvé trois esclaves sexuelles yézidies et deux enfants. Au vu des risques encourus, il a gardé son histoire secrète, même auprès de ses deux fils adultes, qui l’ont découverte lors de l’entretien.

« Lors d’un déjeuner de famille, l’un de mes frères m’a prévenu qu’il y avait des esclaves yézidies dans le quartier et que des combattants cherchaient à les vendre. Elles étaient six. Ils demandaient 1,5 million de dinars [1 200 euros] pour chacune d’elles. J’ai dit à mon frère que je voulais les acheter. Mais je n’avais pas 9 millions de dinars. Je ne touchais plus de salaire et j’avais déjà payé beaucoup aux passeurs pour faire partir ma famille de Mossoul vers la Turquie. Deux jours plus tard, mon frère est venu me voir pour me dire que les combattants mettaient une condition à leur revente : qu’elles ne soient pas libérées. Je ne pouvais pas m’engager à cela.

Vingt jours plus tard, j’ai entendu parler d’un combattant tunisien qui avait été puni et devait partir pour la Libye. Il avait plusieurs esclaves : une femme de 32 ans avec deux enfants et deux sœurs de 16 et 18 ans. Il était pressé de les revendre pour pouvoir partir. Il n’a pas posé de conditions. J’ai payé ce qu’il a demandé et j’ai payé un passeur pour qu’il les transporte dans son camion, dans lequel il convoyait des blocs de ciment. Il les a cachées au milieu des blocs jusqu’à Rakka, en Syrie, où des gens s’occupaient d’exfiltrer les esclaves yézidies. C’était en juillet 2015. Ça a été une aventure très dangereuse. Pour financer ce sauvetage, qui m’a coûté près de 20 000 dollars, j’ai demandé à ma femme de vendre de l’or. Ces femmes sont comme mes filles désormais. J’ai fait cela pour l’amour de Dieu et beaucoup de gens ont fait comme moi. Certains ont même été tués pour avoir tenté de le faire. »