« Tu n’as pas ton bac cette année ? Rassure-toi, ce n’est qu’un incident de parcours. N’abandonne pas et reprépare-le l’an prochain ! » Cette année, le ministère de l’éducation a choisi de s’adresser directement aux lycéens pour les informer de leurs nouveaux droits en cas d’échec à l’examen : celui d’être réinscrits d’office dans leur lycée et de conserver leurs notes supérieures à la moyenne.

Mais à l’approche des épreuves, la campagne de communication « Quand je passe le bac », lancée en mars sur Internet et les réseaux sociaux, se voit un peu chahutée par une décision du Conseil d’Etat, rendue le 31 mars : si les candidats peuvent toujours garder leurs meilleures notes, ils ne pourront plus prétendre à une mention lors de leur deuxième tentative.

La plus haute juridiction administrative a censuré partiellement le décret du 26 octobre 2015 qui permet, depuis la session 2016, aux candidats au bac de garder une partie de leurs notes après un échec – et de ne repasser que les autres épreuves l’année suivante. En 2016, 17 000 candidats du bac général et technologique ont saisi cette possibilité (sur 27 000 qui ont retenté leur chance au total).

Dans son arrêt, le Conseil d’Etat ne remet pas en cause le principe de conservation des notes (possible dans la limite de cinq sessions après la première), mais il relève une « différence de traitement » injustifiée entre deux types de candidats : ceux qui obtiennent le bac au rattrapage en juillet sont privés de mention, tandis que le décret de 2015 permet l’attribution d’une mention à ceux qui décident de conserver leurs notes supérieures à 10/20 pour une session ultérieure. Au nom d’un principe d’égalité, il n’y aura donc pas de mentions pour aucune des deux catégories.

Vif débat autour de la conservation des notes

C’est une modeste victoire pour SOS éducation, qui avait saisi le Conseil d’Etat fin 2015. L’association réputée conservatrice, qui milite historiquement contre la « dévaluation » du bac, souhaitait l’annulation totale du décret. « Il nous semblait qu’il galvaudait un peu plus un diplôme déjà bradé, souligne son délégué général, Jean Paul Mongin. Cette décision constitue une victoire pour nous, même si on sait bien que sa portée est anecdotique » : les candidats malheureux au bac ne sont pas ceux qui visent une mention.

Reste que le Conseil d’Etat vient réveiller le vif débat qui entoure cette mesure : la procédure de conservation des notes est-elle une nouvelle façon de brader le diplôme, ou un coup de pouce pour les élèves fragiles ? Pour SOS éducation, comme pour Annie Genevard, députée (LR, Doubs) et porte-parole de François Fillon, ce dispositif s’inscrit dans la droite ligne idéologique qui a guidé l’action du gouvernement ces cinq dernières années : « l’égalitarisme, le nivellement par le bas », dénoncent-ils, au détriment du mérite et de la valeur des diplômes.

Pour le ministère de l’éducation, le dispositif s’inscrit plutôt dans le cadre de la lutte contre le décrochage scolaire. Il vise à réduire le nombre de jeunes quittant le système scolaire sans diplôme, alors que plus d’un candidat sur deux ayant échoué au bac ne le représentait pas l’année suivante. « Nous avions soutenu ce texte en 2015 et nous ne le regrettons pas, souligne Claire Krepper, du syndicat SE-UNSA. On voit bien que tous les efforts menés ces dernières années pour réduire le décrochage portent leurs fruits et demandent à être poursuivis. »

Du côté du SNES-FSU, c’est moins le principe que sa mise en œuvre qui interroge. « Le problème, c’est que le dispositif de conservation des notes est assorti d’une adaptation des parcours qui, dans les faits, se traduit par des dispenses de cours, déplore Claire Guéville, secrétaire nationale. Pour ces candidats, l’année de terminale est tronquée, ce qui ne leur permet ni de progresser, ni de bien préparer leur poursuite d’études. »

« Cela risque d’être compliqué à gérer »

Pour éviter que ces lycéens soient dispensés des cours dont ils ne repassent pas les épreuves, le syndicat majoritaire aurait préféré un système de conservation « conditionnelle » de la note, avec obligation de repasser l’épreuve en permettant aux candidats de conserver la meilleure note des deux.

En dépit des critiques, le ministère se prépare à élargir le principe de conservation des notes. Pour l’heure, celui-ci ne s’applique qu’aux candidats qui se présentent dans la même série que celle dans laquelle ils ont passé le bac la première fois. Un projet de décret en cours de discussion prévoit d’étendre, à compter de 2018, cette possibilité à ceux qui changent de séries dans les voies générale et technologique ou de spécialités dans la voie professionnelle.

Les conditions seraient restrictives : la conservation des notes ne serait possible que pour les épreuves « dont la nature et le niveau sont similaires dans la série d’origine et dans celle où [le candidat] se réinscrit », indique le projet de décret. « Dans les lycées, cela risque d’être compliqué à gérer, craint Mme Krepper. On voit bien qu’on est au bout de la logique d’individualisation des parcours scolaires dans un système rigide, qui n’est pas fait pour ça. Plutôt que d’accommodements ponctuels, il faudrait peut-être maintenant envisager une réforme plus structurelle du bac. » Un chantier que plusieurs candidats à la présidentielle se déclarent prêts à engager.