Jusqu’alors méconnue du grand public, Ericka Bareigts est sortie de l’ombre en une image : le 30 mars, depuis le balcon de la préfecture de Cayenne (Guyane), un mégaphone dans la main, la dernière ministre des outre-mer du quinquennat Hollande présente « ses excuses au peuple guyanais ».

Des excuses qui apaisent la situation et permettent d’entamer les négociations, alors que beaucoup lui reprochent d’avoir tardé à réagir et à se rendre en Guyane, paralysée par une grève générale et une contestation sociale inédite. Mais des excuses qui ne suffiront pas à trouver une sortie de crise : Ericka Bareigts est rentrée à Paris, dimanche 2 avril, sans avoir obtenu d’accord avec le collectif Pou Lagwiyann dékolé (« pour que la Guyane décolle », en créole), qui représente le mouvement social.

  • Réunionnaise et « ultramarine » revendiquée

Ericka Bareigts au balcon de la préfecture de Cayenne le 30 mars. | JODY AMIET / AFP

Originaire de l’île de la Réunion, où elle est née en 1967 à Saint-Denis, Paule Ericka Bareigts – de son nom complet – a été nommée ministre des outre-mer le 30 août 2016, à la suite de la démission de George Pau-Langevin, dans une relative indifférence. A l’époque, les projecteurs étaient braqués sur un autre ministre, celui de l’économie, Emmanuel Macron, qui quittait alors le gouvernement.

Mme Bareigts était d’abord entrée au gouvernement en février comme secrétaire d’Etat chargée de l’égalité réelle auprès du premier ministre, Manuel Valls, à qui elle a apporté son soutien pour la primaire de la gauche de 2017 – elle faisait également partie de son organigramme de campagne. Elle est, depuis 1958, la quatrième ministre des outre-mer à venir d’un département d’outre-mer (DOM), et la première originaire de la Réunion.

Consciente de son manque de notoriété, elle confiait à l’automne à Libération, qui lui a consacré un portrait :

« On ne me connaît pas suffisamment au niveau national mais je suis une politique de terrain, engagée depuis trente ans à l’île de la Réunion. »

Le jour de sa prise de fonction comme ministre, elle se déclare « très heureuse d’avoir été choisie » mais consciente des « combats qui sont devant [elle] », et notamment celui pour l’égalité réelle, « plus fort qu’ailleurs dans les outre-mer parce que les inégalités sont plus fortes ».

Sept mois plus tard, la voici en première ligne pour trouver une sortie de crise en Guyane. Auprès des représentants du collectif, elle revendique trente ans de combat pour l’égalité et la reconnaissance des outre-mer, avant de s’exclamer, le bras tendu et le poing fermé pour montrer la couleur de sa peau : « Je suis ultramarine ! »

  • Députée de la Réunion, secrétaire nationale du PS aux outre-mer

A l’Assemblée nationale en juillet 2012. | PIERRE VERDY / AFP

Titulaire d’une maîtrise en droit des affaires, attachée principale territoriale, Erika Bareigts est engagée de longue date au Parti socialiste (PS), auquel elle a adhéré en 1986. Elle a rapidement intégré les instances dirigeantes du parti avant de gravir une à une les marches jusqu’au gouvernement.

En 2008, cette mère de deux filles prend la tête de la Communauté intercommunale du nord de la Réunion, devenant la première femme réunionnaise à diriger une communauté d’agglomération. Elle est élue conseillère régionale en 2010, puis députée de la première circonscription de La Réunion en 2012. En 2014, elle est nommée secrétaire nationale du PS aux outre-mer.

Active à l’Assemblée entre autres sur les sujets ultramarins, elle a par ailleurs siégé au Conseil représentatif des Français d’outre-mer (Crefom), puissant lobby d’outre-mer, dont elle a été la vice-présidente.

Durant son mandat de secrétaire d’Etat chargée de l’égalité réelle, Ericka Bareigts travaille conjointement avec George Pau-Langevin sur le projet de loi pour l’égalité réelle des outre-mer, qui, comme son nom l’indique, doit permettre de réduire l’écart de développement entre la métropole et l’outre-mer. Au départ critiqué pour son manque d’ambition, le projet de loi a été enrichi au fil des débats parlementaires. Il a été voté à l’unanimité en février 2017, Mme Bareigts se félicitant d’« un véritable changement de vision des outre-mer ».

  • Sa réponse à Nadine Morano sur la « race blanche »

Avant d’apparaître au balcon de la préfecture de Cayenne, Mme Bareigts s’était fait connaître par un autre fait d’arme, en septembre 2015, à l’occasion d’une intervention remarquée à l’Assemblée nationale.

Quelques jours après les propos de Nadine Morano, élue au Parlement européen, sur la France « pays judéo-chrétien de race blanche », la future ministre des outre-mer lance dans l’Hémicycle : « Pour moi, députée noire de la République, la France décrite par Mme Morano n’est pas la mienne », déclenchant une ovation des députés.

Elle confiera ensuite à Libération : « Je me suis longtemps demandé si j’avais eu raison de dire que j’étais une députée noire. Mais pourquoi pas ? J’ai voulu dire quelque chose d’aussi franc qu’elle. Elle, elle dit blanc, moi, je dis noir et blanc. Et noir et blanc, c’est la France. »