La Syrie a subi de nombreuses destructions, comme ici à Al-Bab. | ZEIN AL RIFAI / AFP

Contrairement aux dirigeants européens, Bachar Al-Assad se refuse à attendre la fin de la guerre pour lancer la reconstruction de la Syrie. Ou, du moins, pour en poser les bases. Ces derniers mois, le président a fait passer une série de lois et de décrets, destinés à dicter les termes de ce processus et à garantir que les hommes d’affaires prorégime en soient les principaux bénéficiaires.

L’une de ces mesures est la loi sur le partenariat public-privé, promulguée en janvier 2016. Ce texte autorise l’Etat à céder la gestion d’une entreprise publique ou la mise en valeur d’un terrain public à un opérateur privé. A l’époque, le ministre de l’économie, Houmam Al-Jazaïri, avait affirmé à l’agence de presse officielle SANA que cette loi permettrait de « répondre à l’accroissement des besoins économiques et sociaux, en particulier dans le domaine de la reconstruction, de la réhabilitation et du développement ».

Une formule destinée à masquer l’effondrement dramatique des ressources de l’Etat, sous le coup des sanctions et de la perte des champs pétroliers de l’est du pays, désormais aux mains de l’organisation Etat islamique (EI). « C’est le genre de mesures néolibérales qui plaît beaucoup aux institutions financières internationales, dit l’économiste Jihad Yazigi, proche de l’opposition. Mais, dans les faits, cela va permettre aux affairistes acquis au régime de mettre la main sur des actifs publics. »

« Nouvelle élite surgie de la guerre »

Le risque est d’autant plus grand que la présidence a promulgué, à la même époque, une seconde loi, autorisant les collectivités locales à intégrer leurs terres et leurs activités de services dans une holding. Si l’administration de cette structure reste aux mains des autorités locales, ses différentes filiales, régies par la loi du commerce, pourront s’affranchir des règles de transparence et d’appels d’offres auquel le secteur public est – théoriquement – soumis.

« C’est un processus de privatisation de la sphère publique, qui va profiter à la nouvelle élite, surgie de la guerre, comme au Liban », s’inquiète Rabi Nasser, directeur du Syrian Center for Policy Research, un think tank indépendant basé à Beyrouth. Une holding a déjà été mise en place pour gérer le plan de réaménagement de Kafar Sousah, un quartier informel du sud-ouest de Damas, dont les habitants, souvent acquis à la révolution, ont été expropriés.

En décembre 2015, le gouvernement avait aussi approuvé la création d’un « conseil syrien des métaux et de l’acier ». Un organisme de régulation et de lobbying appelé à jouer un rôle central dans la reconstruction. Sa direction a été confiée à Mohammed Hamcho, l’un des hommes de paille de Maher Al-Assad, le frère du président et commandant de la 4e division blindée, l’unité d’élite du régime. La spécialité de l’entrepreneur est la récupération de morceaux de métal dans les champs de ruines laissés par l’armée.