« Tout le monde est ici sur son temps libre. » Delja Hamel, déléguée CGT et femme de ménage, se fait le relais de ses collègues, peu habituées à manifester. Elle était déjà présente à Villejuif (Val-de-Marne) devant les locaux du siège de la Fédération des entreprises de la propreté (FEP) il y a deux ans, lors de la dernière mobilisation des « salariés de la propreté », comme la CGT catégorise les femmes de ménage et les éboueurs.

Après des négociations, ils avaient obtenu de leurs patrons « un début de treizième mois », selon Mme Hamel. Soit 100 euros pour les salariés à temps plein. « Sauf que [dans ce secteur] beaucoup de femmes sont à temps partiel », et n’ont donc rien touché, regrette l’employée de 54 ans, qui nettoie des locaux depuis qu’elle est en âge de travailler.

Mettant en avant les horaires décalés, les journées segmentées et la difficulté physique, le principal syndicat du secteur a donc décidé de renouveler sa demande de mise en place d’un « vrai » treizième mois. Surtout que la prime de 100 euros aurait dû être revue à la hausse ou convertie en prime d’activité en décembre 2016 selon la « clause de revoyure » de l’accord de branche signé en mars 2015. C’est ce qu’affirme Tony Hautbois, secrétaire général de la Fédération nationale des ports et docks, dont dépendent les salariés de la propreté. « La FEP a refusé de nous recevoir en décembre, souligne-t-il. Nous avons donc décidé de deux manifestations, le 8 mars et aujourd’hui. »

« Dans mon entreprise, tout le monde gagne le smic »

Les mouvements de mobilisation sont relativement rares dans ce secteur où les employés n’ont généralement pas les moyens de faire grève. Salarié d’une entreprise qui gère la maintenance du Jardin des Plantes de Paris, Diaguly Coulibaly est venu juste après la fin de sa journée, commencée dès 6 heures « Je n’ai même pas eu le temps de manger », confie-t-il, les traits tirés, mais l’air déterminé à obtenir ce treizième mois qui l’aiderait tant. « Tout le monde gagne le smic dans mon entreprise. Pour l’instant on ne survit même pas, c’est pour ça qu’on se bat. »

Pendant la petite heure de négociation entre délégués du patronat et de la CGT, la centaine de manifestants présents a patienté sur le trottoir, coincée entre la piste cyclable et quelques commerces.

« Il n’y a pas de raison que certains gagnent moins que les autres »

Contrairement à ses camarades d’un jour, Yari Dabo touche sa prime de fin d’année. Solidaire, il manifeste « pour que chacun ait droit au treizième mois ». « Tout le monde fait le même boulot, il n’y a pas de raison que certains gagnent moins que les autres. » Agent de nettoyage au musée du Louvre depuis douze ans pour le compte d’une société de maintenance, il a reçu son treizième mois au moment où il est passé à temps plein. Une situation qui concerne peu de salariés présents ce mardi à Villejuif.

La CGT avait également lancé un appel aux salariés de neuf autres villes françaises où se trouvent les antennes régionales de la FEP. Le « message est passé » assure Tony Hautbois, en sortant de la rencontre avec les représentants des chefs d’entreprise. Le 20 avril, le conseil d’administration de la FEP décidera de satisfaire ou non les demandes des agents d’entretien. Affichant son pessimisme quant à la réponse du patronat, M. Hautbois prévoit déjà de retourner dans la rue : « Aujourd’hui n’était qu’un tour de chauffe. »