Une manifestation des salariés de Vélib’, inquiets pour leur emploi, devant la mairie du 13e arrondissement, à Paris, le 4 avril. | PHILIPPE LOPEZ / AFP

L’opérateur de Vélib’devrait changer à partir du 1er janvier 2018. Le 30 mars, la commission d’appel d’offres du Syndicat Autolib’Vélib’Métropole a indiqué que le groupement Smoovengo, mené par la PME montpellieraine Smoove, a été préféré à l’actuel titulaire, JCDecaux.

Dans un communiqué daté du 1er avril, JCDecaux s’est « étonné » de cette « décision troublante ». Il assure notamment que Smoovengo ne l’emporte « que sur le critère du prix ». Il l’accuse notamment d’avoir pratiqué « un dumping social, avec une proposition excluant la reprise de l’ensemble des personnels et reposant sur de nouvelles équipes inexpérimentées, moins nombreuses et à des conditions sociales et salariales dégradées. »

Laurent Mercat, le patron de Smoove, et représentant du groupement Smoovengo, réagit.

Smoovengo va-t-il gérer le Vélib’à partir du 1er janvier 2018 ?

Le processus est en cours. La commission technique de l’appel d’offres pour la gestion du Vélib’nous a classé « lauréat » de ce marché. Il faudra cependant attendre le 12 avril pour savoir si le Syndicat Autolib’Vélib’Métropole le confirme. Nous ne pouvons pas crier victoire. Nous restons prudents.

Comment une PME a-t-elle pu réussir face à JCDecaux, qui a popularisé les systèmes de vélos en libre-service ?

Smoove, qui a neuf années d’expérience dans la gestion de vélo en libre-service, n’est pas seul dans ce groupement ! Nous sommes associés à quatre entreprises en pointe dans nos secteurs respectifs. A nous quatre, nous gérons 40 000 personnes à travers le monde, ce n’est pas rien. Smoove opère déjà 25 systèmes de vélos en libre-service, Indigo est le leader mondial du stationnement, tandis que Mobivia, un actionnaire de Smoove, est l’un des leaders de la vente de vélos à assistance électrique. Enfin, Moventia est une entreprise de transports espagnole, qui a déjà installé et géré des systèmes de vélos en libre-service.

Avez-vous cassé les prix, comme le suggère votre concurrent, pour obtenir le marché des Vélib’? JCDecaux assure avoir obtenu les meilleures notes techniques pour l’appel d’offres, hors critères financiers.

Dans un contexte où les collectivités ont des finances publiques tendues, nous avons simplement fait la proposition la plus honnête et la plus juste répondant au cahier des charges. Je ne peux nullement valider que notre groupement ait cassé les prix, et je ne connais pas du tout l’offre du concurrent. En tant que lauréat pressenti, nous n’avons pas obtenu de courrier ou de compte rendu issu de la commission d’appel d’offres, contrairement à notre concurrent. Ils disent que nous offrons un prix inférieur au leur.

Comment l’expliquez-vous ?

Notre structure de coût est a priori plus efficace, et pour plusieurs raisons, à mon sens. Nous proposons des infrastructures mieux conçues que notre concurrent. De même, nous offrons des vélos particulièrement robustes et un système bien plus difficile à voler grâce à notre fourche-cadenas, qui a fait l’objet de dépôts de brevets. A Moscou, où nous gérons 3 450 vélos, nous n’avons eu à déplorer que 43 vols en deux ans. A Paris, selon ce que l’on peut lire dans la presse, le taux de casse ou de vol semble bien plus important et avait donné lieu à un avenant de contrat très coûteux pour la collectivité. La fiabilité du système a une incidence forte sur le coût de l’exploitation.

De même, notre modèle de réassort des vélos aux stations est différent. Nous avons mis en place un système dit « d’overflow », qui permet de remettre un vélo, même quand la station est pleine, en l’attachant à un vélo voisin. Enfin, en mettant en place des vélos à assistance électrique, on règle une partie des problèmes liés au réassort des stations installées en altitude. Cela réduit les coûts. Les vélos à assistance électrique nécessiteront toutefois plus de maintenance.

Les syndicats des personnels de Vélib’se sont alarmés de l’absence d’une clause de reprise des 315 salariés dans l’appel d’offres. Allez-vous venir avec vos équipes ?

Je comprends leurs inquiétudes, cependant, nous n’entendons pas venir avec « nos » équipes. Nous débuterons le dialogue pour le recrutement de nos futurs salariés dès la notification du contrat, et les salariés actuels de Vélib’seront pour nous tout à fait prioritaires. Nous n’avons aucun détail sur les postes exacts occupés par ces 315 salariés mais nous connaissons bien nos besoins.

Certains s’inquiètent également du lieu de fabrication de vos cycles ?

80 % de la valeur ajoutée de nos équipements vient de France ! Nous fabriquons, comme nos concurrents, nos cadres en Chine, mais l’essentiel de nos équipements vient de France et d’un tissu de plus de 50 PME essentiellement de région Rhône-Alpes-Auvergne avec lesquelles nous avons d’excellentes relations. Les cycles sont ensuite assemblés soit en France, soit dans l’Union européenne pour des questions de capacités industrielles.

L’an dernier, Smoove a réalisé 90 % de son chiffre d’affaires à l’export. Ça fait plaisir de pouvoir aussi être jugé crédible en France, sur le marché des Vélib’, le plus prestigieux des systèmes de vélos en libre-service, et face à des grands groupes !